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cations géographiques ininterrompues. Les hommes sont ainsi liés par des rapports matériels réguliers et périodiquement réguliers à de multiples faits de surface, et qui sont dans une étroite dépendance, des conditions générales et locales du sol, de l’océan, du climat. Par suite de ce prélèvement de nourriture ou de boisson, tous les jours répété et répété plusieurs fois par jour, prélèvement opéré par les quinze cents millions d’individus humains qui la peuplent, la surface terrestre subit d’indéfinis et grandioses changemens et renouvellemens, qui sont à la lettre incommensurables. Double série de phénomènes géographiques qui se rattachent à la géographie de l’alimentation.

Tout être humain, à l’état sain, perd conscience de soi-même durant un temps plus ou moins long toutes les vingt-quatre heures : il s’endort. La vie des civilisés est organisée de telle manière que la satisfaction des nécessités essentielles s’y trouve assurée par des moyens simples et normaux ; et nous avons peine à nous rendre compte de ce qu’est pour le sauvage la tyrannie périodique du sommeil. Il faut songer aux victimes mêmes de notre organisation sociale, « chemineaux » des grandes routes et « sans-abri » des grandes villes, pour comprendre à quel point le sommeil est un maître inexorable et quels soucis impérieux il impose. Cet abandon de soi-même fait de l’homme une proie facile pour tous ceux qui veulent l’attaquer, pour ses semblables comme pour les animaux. Les hommes, ne pouvant échapper au sommeil que pour un temps et par des moyens anormaux, — les Fangs ou Pahouins de l’Afrique congolaise utilisent par exemple pour combattre le sommeil la noix de kola — tous les hommes de tous les pays sont conduits à rechercher un abri. Que l’abri soit aussi rudimentaire qu’on voudra l’imaginer, branches et lianes entrelacées dans la ramure touffue des forêts équatoriales (nains de l’Afrique centrale), abris sous roche (nombreuses populations préhistoriques et actuelles), trous dans la neige (Esquimaux), c’est un point précis de la surface où l’homme s’installe pour quelques heures et où il est tout naturellement porté à revenir. Tel est le principe et tel est l’embryon de ce fait si important de géographie humaine, l’abri, l’habitation.

Le corps humain doit être maintenu à une certaine température, aux environs de 37° ; les températures trop froides excluent radicalement toute vie ; à cause de cette nécessité organique, les très hautes latitudes comme les très hautes altitudes sont des limites natu-