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son, » le sol est écorné : des trous béans marquent les points où les hommes, sans restitution, ont prélevé des roches pour leurs usages : « sablières, » « tuffières, » « soufrières, » carrières de marbre ou de granit, « rochers de sel » entaillés, etc. tous ces faits, minuscules ou grandioses, c’est, d’un mot, la « carrière ; » et géographiquement parlant, on passe, par des transitions insensibles de la carrière à la mine, c’est-à-dire de la terre écornée en surface à la terre creusée en profondeur : dans le bassin de Commentry ou en Pennsylvanie les « houillères » sont à ciel ouvert, tandis qu’en Westphalie ou dans le Pas-de-Calais les mines ne se développent qu’à plusieurs centaines de mètres au-dessous du niveau du sol. Dans un cas comme dans l’autre, le « trou » est fait par l’homme pour enlever et arracher, une fois pour toutes, des substances minérales, argent, diamant, charbon, sel ou plâtre ; et le « trou » est, à la lettre, une marque d’ « économie destructive. »

Si la carrière et la mine — qui épuisent des richesses ne se renouvelant pas — se trouvent surtout compagnes et voisines géographiques des deux signes d’« occupation improductive du sol, » maisons et routes, le sixième et dernier type des faits de surface, faits de destruction eux aussi, se rattache plutôt, et fréquemment se mêle aux faits de « conquête végétale et animale : » il s’agit de tous ces actes, souvent brutaux ou violens, presque toujours rapides et éphémères, toujours décisifs et définitifs, qui, dans l’ordre végétal, se traduisent matériellement par des fruits sauvages saisis et mangés, par des arbres abattus, par des forêts incendiées, et dans l’ordre animal, par des animaux chassés et tués, ou par des poissons pris. Dévastation et pillage par les nomades Touareg de l’oasis cultivée, ou exploitation déraisonnable et irraisonnée des lianes à caoutchouc au Congo ou dans l’Amazonie sont des faits analogues à la chasse immodérée qui tend à exterminer certaines espèces, hérons à aigrettes, animaux à fourrures ou à ivoire. Or, si l’on y réfléchit, les faits primitifs de destruction végétale, de chasse ou de pêche, sans comporter toujours d’aussi graves et générales conséquences, sans mériter certes d’aussi sévères jugemens, en pouvant même parfois être associés à une sage économie de la terre, tendent tous à « prélever » sur notre globe des êtres vivans, à la reproduction desquels l’homme n’a ni travaillé ni coopéré, et sont tous, dans leur principe, meurtriers.

Tous ces derniers faits sont encore très visibles et matériels ;