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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/588

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Je n’avais pas à m’enquérir des intentions du parti révolutionnaire ; il me criblait de ses coups depuis la publication de mon livre. J’interrogeai Forcade sur celles du gouvernement : « Me combattrez-vous ? — Oui, mais avec modération. » Voici quelle fut cette modération. A Paris, ma circonscription fut remaniée en vue d’assurer mon échec. On m’enleva les quartiers modérés, et on leur substitua des quartiers démagogiques, où prédominait l’influence des radicaux. On y suscita la compétition de Louvet, président du tribunal de commerce, très considéré, qui devait me prendre toutes les voix modérées ; de sorte qu’ayant perdu les voix avancées, il ne me resterait plus personne. Rouher manda à Paris le préfet du Var, Montois, administrateur habile, d’une grande influence sur la population. Il lui demanda s’il croyait pouvoir me faire échouer. « Ce sera difficile, répondit le préfet ; toutefois, j’espère y réussir. — Eh bien ! ne négligez aucun effort. »

Cette double levée d’armes ne fut pas sans surprendre. Weiss disait, dans le Journal de Paris : « Il est évident que si, après que l’Empereur a écrit à M. Emile Ollivier la lettre intime que tout le monde a pu lire dans le livre intitulé : Le 19 Janvier, et a reconnu cet homme d’État comme le seul personnage capable de succéder à M. Duruy, le gouvernement impérial combattait la réélection de M. Emile Ollivier, ce serait là un spectacle d’un si haut goût, que jamais aucun gouvernement en France n’y aurait atteint, pas même le roi Dagobert de la légende ! — J.-J. WEISS. » C’était, en effet, le spectacle que le gouvernement se préparait à donner, de par la volonté du Vice-Empereur, plus forte que celle de l’Empereur.


IV

Dans la plupart des circonscriptions, tout se passa en affiches, réunions, petits tumultes, et il n’y eut aucun incident d’importance à signaler. Le dialogue de Raspail et de Garnier-Pagès ne fut entendu de personne ; l’ombre héroïque de Baudin recta muette ; Simon, Pelletan furent acclamés partout. Dans la circonscription de Thiers, il n’y eut que des conciliabules mystérieux,