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car lui-même refusa de comparaître dans aucune réunion et s’en tint à une profession de foi fort bien faite, dans laquelle il résumait tous ses discours et qui, virulente envers le gouvernement, contenait à peine un petit murmure contre ses adversaires démocratiques : « Quant à ces esprits ardens qui ne trouvent pas suffisantes les libertés que je réclame, qu’ils viennent dans une assemblée, élue par la nation tout entière, faire entendre leurs voix, et là, placés non plus en face des chimères de leur imagination, mais en face de la réalité, ils verront s’ils pourraient servir cette grande cause du droit national plus utilement que je ne l’ai fait pendant ces six dernières années. » Jules Favre, qui avait tant invectivé les autres, le fut à son tour. Il eut la mortification de s’entendre appeler traître, glorificateur du coup d’État et hué au point d’être obligé de quitter la salle sans pouvoir terminer son discours.

La lutte présenta plus d’intérêt dans la circonscription de Gambetta. Il débuta par déclarer qu’il voulait « la souveraineté du peuple organisée d’une manière intégrale et complète, » ce qui signifiait la République ; qu’il n’accepterait qu’une candidature irréconciliable, ce qui signifiait qu’il ne se considérait pas comme lié par son serment d’obéissance à la Constitution et de fidélité à l’Empereur. Il ne s’agissait pas là d’une de ces réticences intérieures par lesquelles on annule, pour la commodité de sa conscience, le serment prêté publiquement ; la réticence était ouverte, bruyante et ne pouvait être ignorée de celui à qui le serment était prêté. S’il lui plaisait de n’y pas prendre garde et de tenir pour bon un serment ainsi frelaté, tant pis pour lui ! Le gouvernement, certes, avait le droit de considérer ce serment comme non avenu et il n’eût fait que son devoir en interdisant le relevé des votes accordés à une candidature de parjure.

Gambetta inventa ensuite une parade à effet prise dans une réminiscence de la Révolution, et sans ? « rendre exactement compte de ce qu’avaient été les cahiers de 89, il en fit une exhumation. « Je ne ferai, dit-il, ni programme ni profession de foi ; les comités doivent m’adresser leur programme, j’y répondrai. Les mandataires et les mandans contracteront ainsi sous l’œil de tous. » Les comités lui proposèrent à signer le contrat suivant : « Au nom du suffrage universel, base de toute organisation politique et sociale, donnons mandat à notre député d’affirmer les principes de la démocratie radicale et de revendiquer énergiquement :