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garnison ? Servent-ils seuls ou assistés d’un ou deux varlets ? L’épithète assez vague d’homme d’armes, qui d’ailleurs changea de sens du XIIIe au XVIe siècle et finit par ne plus s’appliquer qu’à un reître embrigadé en cornette de cavalerie, après avoir désigné des chevaliers combattant chacun à son plaisir, pourrait laisser croire que le taux varié de leur solde suffit à classer cette sorte de gens.

Mais ce serait une erreur. On les payait suivant leur rareté et suivant leur mérite, évident ou présumé. Et la preuve c’est que nous rencontrons la même diversité entre ceux qu’on appelle des « capitaines » — mot nouveau au XIVe siècle — et entre les simples soldats. Il y a des « capitaines d’une lance » à 7.600 fr. en Bretagne (1475) et des « capitaines de quarante lances » au même prix, dans les Pays-Bas (1584) ; des « capitaines d’hommes d’armes » en Dauphiné à 2.600 fr. et, trois ans plus tard, dans la même province, à 6.550 fr. (1420-1423).

Durant les guerres de religion et particulièrement au temps de la Ligue, où l’on se bat un peu partout, le « capitaine de gens de pied » touche 11.000 fr. à la Rochelle (1593), 7.700 fr. à Orléans et son lieutenant 4.600 fr. ; le lieutenant d’arquebusier, à Nantes (1590), n’a que 4.400, mais son capitaine a 8.250 fr. Bien qu’il se trouve de moindres soldes en d’autres villes, il est clair, sans prétendre assimiler le capitaine actuel, à 3.675 fr. de traitement, au chef de compagnie du XVIe siècle, que celui-ci était payé beaucoup plus cher.

Quant aux soldats, si l’on tentait entre le présent et le passé quelque rapprochement, ce serait aux lieutenans et sous-lieutenans d’aujourd’hui que les volontaires féodaux pourraient être assimilés sous le rapport de la solde. Encore laisserions-nous de côté les plus favorisés de ceux d’autrefois, puisqu’il était des archers, des arbalétriers, — les plus habiles sans doute à lancer la flèche ou le carreau, — à 6.000 et 7.000 fr. par an, et que des « balistaires » ou artilleurs, à cheval, touchaient, au XIIIe siècle, jusqu’à 9.000 fr.

Ceux-là devaient être, au temps de saint Louis, des spécialistes recherchés pour la manœuvre des machines de guerre. Plus tard, après l’invention de la poudre, les gages de l’artilleur allèrent de 4.200 à 3.200 fr., pour les bombardiers et maîtres-canonniers, à 2.300 et 1.900 fr. pour les couleuvriniers à pied et leurs valets.

Le lieutenant d’archer est payé 7.000 fr. ; les simples archers 2.400 à 1.900 fr. par an. Bien qu’il y ait eu des archers largement