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Les clercs ou maîtres des requêtes du moyen âge étaient des espèces de secrétaires d’État. Or les secrétaires d’État du XVIIe siècle, qui n’avaient que 15.000 fr. sur les rôles officiels, recevaient jusqu’à 70.000 fr. des provinces dont ils étaient chargés et, bien qu’ils eussent à payer quelques commis, — ce que nous appellerions « le personnel de leurs bureaux, » — la différence des deux traitemens montre le chemin parcouru, d’une date à l’autre, par l’administration civile.

De nos magistrats actuels, il en est une douzaine appointes à 25.000 fr. ou au-dessus et une centaine, à Paris et en province, à 18.000 fr. ; les autres, présidens et juges d’Appel ou de première instance, y compris les juges de paix, reçoivent annuellement des sommes qui atteignent rarement 10.000 fr., mais qui ne sont jamais inférieures à 3. 000. Autant que l’on peut mettre en parallèle deux organisations judiciaires très diverses, dont l’une — l’ancienne — n’a aucun caractère d’uniformité, les magistrats du moyen âge jouissaient d’appointemens assez analogues à ceux d’aujourd’hui. Sauf en Franche-Comté où le premier président du Parlement ne recevait (1498) que 5.600 fr., tandis que celui de la cour d’appel en a maintenant 18.000 ; sauf à Marseille, où le viguier touche 15.000 fr. en 1264, tandis que le président de ce tribunal de première classe n’a plus que 10.000 fr., beaucoup de chiffres du passé offrent une certaine similitude avec ceux du temps présent : le « vicomte » de Bayeux touchait 6.000 fr. (1275) ; le procureur du roi en Champagne 7.000 fr. (1285) ; le viguier d’Aix avait 7.500 fr. ; les présidens au Parlement de Bretagne (1553) étaient payés 10.000 fr. et les conseillers 8.000.

Chercher à poursuivre une assimilation serait puéril. Il est certain pourtant qu’il y a bien plus de ressemblance, entre les appointemens de jadis et ceux d’aujourd’hui, pour les gens de justice que pour les gens de guerre. A moins d’attribuer, par une supposition absurde, à tous les chevaliers ou écuyers de la troupe féodale un rang militaire équivalent à celui des généraux ou colonels de l’armée actuelle, et aux hommes d’armes ou simples arbalétriers, à cheval ou à pied, le rang de nos capitaines ou de nos lieutenans, il est clair que les chefs ou les soldats de ce temps étaient bien plus-largement payés que ceux du nôtre ; tandis que le viguier d’Aix, à 7.500 fr. au temps de saint Louis, correspond à