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directement issue de la grande lignée des portraits anglais, M. Cope n’a tenté aucune des difficultés, ni cherché aucune des nouveautés qui rendent le portrait de M. Barrère à la fois moins parfait et plus intéressant. Mais il a réalisé ce qu’il a rêvé. Il a choisi la meilleure part et l’on peut chercher vainement parmi tous les portraits des deux Salons : elle ne lui sera pas disputée…

Ce n’est pas un impressionniste, non plus, qui a réalisé cette merveille d’adresse et de vigueur, qu’est le portrait de M. Mesnier, — car c’est M. Bonnat. Si rebelle qu’on puisse être à l’art de ce maître, on admirera comment il a simplifié, d’année en année, ses moyens d’expression, en atteignant, de jour en jour, une expression plus puissante : évitant les empâtemens, réduisant la couleur à de simples frottis par où le modelé le plus efficace est suggéré.

Enfin l’œuvre qui, après celles de M. Cope et de M. Bonnat, nous met le mieux en présence d’un être humain et peut ainsi être qualifiée de « portrait » — celui de Mme Grosclaude par M. Marcel Baschet — ne doit rien aux trouvailles du « luminisme » ni du « divisionnisme. » Il n’a, en vérité, rien de neuf ni d’inattendu, quoiqu’il y ait toujours quelque chose d’inattendu à l’apparition d’un beau portrait, mais il réalise du moins pleinement ce que, sous ce titre, on attend. Rien, non plus, des techniques nouvelles n’a pénétré dans la facture de l’intéressant portrait de M. Lefuel par M. Monchablon, ni dans le très adroit portrait de Mme N. L. R… par Mme Laura Le Roux, ni dans une foule d’autres têtes pourtant très vivantes et très caractérisées. Les trouvailles de l’impressionnisme ont enrichi le paysage, la peinture décorative, les groupemens de figures en plein air, mais elles n’ont servi presque de rien à l’expression humaine, et les jeunes artistes n’en profitent plus guère aujourd’hui.

Que cherchent-ils donc, et si ce n’est plus la peinture religieuse ou historique qui les attire, ni les créations symbolistes, ni les effets de l’impressionnisme, quelle forme nouvelle prend leur curiosité ? Et après ce qu’on pourrait appeler les « négations » des Salons de 1906, quelles sont leurs affirmations ?

Tout d’abord, c’est l’intimité des motifs et la sobriété de la gamme. Sauf les beaux Lutteurs de M. Giron, avenue d’Antin, et l’admirable Triomphe d’un Condottiere de M. Hoffbauer aux Champs-Elysées, on ne voit pas un seul bon tableau où se déploie une foule, où se déroule un événement. Au contraire, les meilleures