Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/695

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les salles des Champs-Elysées, grâce à MM. Bompard, Saint-Germier, Franc Lamy, Allègre, Duvent, G. Roullet, Isaïloff.

Il semble qu’un programme commun ait été imposé aux artistes et qu’ils se soient réunis en un concours sur un thème unique. Cette curieuse communauté de programme ne se voit pas seulement dans les sujets traités. Elle se voit encore dans les effets cherchés, d’un bouta l’autre du Grand Palais. Bien loin de se placer en pleine lumière comme ils le faisaient autrefois, et en plein midi, ces artistes se sont mis en route aux dernières heures du jour et ont tourné le dos au soleil au moment où celui-ci est le plus bas sur l’horizon, de telle sorte que ses rayons, quasi-parallèles au sol glissent au-dessus des premiers plans en laissant dans l’ombre la plus grande partie du paysage, et vont s’écraser sur le fond où ils trouvent quelque montagne, quelque muraille ou quelque forêt posée comme un écran vertical. Comme ces rayons, passant à travers le plus de poussières, sont rouges, ils semblent allumer au fond du tableau, sur toute la ligne d’horizon, un incendie inattendu. « Tourner le dos aux derniers rayons du soleil » semble un mot d’ordre qui a couru tous les ateliers. Nous lui devons de forts intéressans effets, mais c’est bien là, le triomphe du parti-pris, dont les écoles modernistes prétendaient avoir débarrassé la peinture.

Ce parti-pris se manifeste, d’ailleurs, encore plus crûment dans le goût qu’affichent nos jeunes peintres pour l’arabesque et la couleur en filamens, écrivant et répétant à chaque touche le dessin général et le grand contour de leur impression. C’était très visible, les années précédentes, chez M. Cottet. Ce l’est, cette année, au plus haut point, chez M. Dauchez, et chez M. René Ménard. Ils ont fait école et les contours précis et répétés de leurs masses de feuillage, et de leurs eaux, de leurs nuages, roulés en cumulus au-dessus de l’horizon, illustrent et justifient, d’une façon bien inattendue, le fameux mot tant reproché à Ingres : « La fumée même doit s’exprimer par le trait. »

Enfin la dernière affirmation des Salons de 1906 est la vitalité de la statuaire moderne. Avenue d’Antin, la Jeune fille se coiffant de M. Bartholomé, l’Enfant espiègle en bronze de M. Boncquet, le Buste de Mme V. par M. de Saint-Marceaux, et la Mélancolie, tête de marbre par M. Schwartz, témoignent assez de cette vitalité. Aux Champs-Elysées, le groupe de marbre intitulé Tendresse de M. Peyre, la Danaïde de M. Hannaux, le groupe de plâtre intitulé Aveugle de