pantelantes, des yeux convulsés, étalés et répétés sur tous les murs d’une salle, de telle sorte que si on lève les yeux on ne puisse manquer de les voir, rendent un lieu inhabitable. Les mêmes scènes et les mêmes gestes, restreints aux dimensions d’un tableau, dont on s’approche si l’on en a envie et qu’on ne regarde point quand on n’est point curieux d’impressions violentes, peuvent être admirables dans un tableau de chevalet et insupportables dans une décoration. C’est encore ici une question de dimensions, sans plus, et les théories, qui méconnaissent que la dimension joue un rôle capital et trace la vraie frontière entre l’art pur et l’art décoratif, méconnaissent la condition première de cet art. Tout autre chose est l’œuvre qu’il faut aller regarder pour la voir ; autre chose est celle qu’on voit sans la regarder, qui s’impose, qui enveloppe, comme l’air que, sans le vouloir, on respire ou la rumeur qu’on entend, sans l’écouter, venue de la forêt ou de la mer.
Dans le premier cas, peu importe la violence des attitudes : les plus violentes seront peut-être les plus belles et elles n’agiront sur les nerfs qu’autant qu’ils voudront s’y livrer. Dans le second, ce sont des impressions calmes et reposées qui sont requises, des gestes sobres ou lents, des attitudes faciles et sans rien de tendu, de contracté, ni d’éphémère. Toute violence prolongée devenant monotone, tout effort qui ne se résout pas devenant à la longue ridicule, il faut que les figures avec lesquelles on doit longuement vivre s’interdisent jusqu’à l’apparence de la violence et de l’effort. Il en est des figures dans l’art décoratif comme des âmes humaines dans la vie : les violentes et les passionnées peuvent être les plus belles un jour ; ce sont les calmes et les recueillies, seules, dont l’aspect quotidien ne lasse jamais.
Si l’on passe à la couleur, les différences entre le tableau et le panneau décoratif, quoique moindres, subsistent encore. L’artiste peut choisir, à sa guise, la gamme générale : haute ou basse selon son tempérament. Mais une fois choisie, il faut qu’il s’y tienne dans tout l’ensemble de son panneau, sans tirer ça et là, quelque feu d’artifice qui attache sur un point, au détriment de tout le reste, le regard du spectateur. Par conséquent, pas de trop vifs contrastes, pas d’accumulations, pas de couleurs chantantes dans un coin, ni même au centre, tandis que dans tout le reste des panneaux, les autres couleurs psalmodieraient à peine ! S’il y a contraste entre les différens plans, que ce contraste, s’étendant