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c’est vers cinq heures qu’il faut les regarder. La devise de la cigale : « Le soleil me fait chanter » serait aussi celle qu’on pourrait inscrire sur ces fragiles petites choses, gracieuses au repos, mais vibrantes seulement quand un rayon de soleil les traverse : ce sont des coupes aux bords dentelés, des cornets, des plaques, de minces écuelles. Ce sont aussi des fleurs de nénuphar, diversement ouvertes, suspendues sur des couches de cristal comme leurs sœurs naturelles à la surface immobile des étangs ; des algues flottantes, rousses sur un fond d’eau d’un vert bleuâtre ; de fines coquilles plissées, posées sur le bord d’un plat, où évoluent de souples apparences de poissons ; ce sont enfin des fleurs de ronces, des anémones des bois, des chrysanthèmes, des capillaires, qui montent, invisibles, du pied des vases pour s’épanouir en tons ardens ou pâles sur leurs bords, et des papillons ou des libellules, posant discrètement sur ces fleurs transparentes, leurs transparentes ailes étendues. Ce qui donne à ces choses minces et fragiles un prix infini, c’est la profondeur des aspects qu’on y découvre. Les pâtes de diverses transparences, traversées diversement par le soleil, font paraître les poissons glissant dans l’émail ou les algues prises dans le verre à des profondeurs diverses comme sous les couches plus ou moins épaisses d’une eau pénétrée par la lumière. Et, en même temps, les transitions, les passages de tons sont dignes du plus subtil des coloristes : celui du bleu de cobalt au bleu de cuivre, par exemple, ceux des verts du grand plat aux poissons, les tons de mousse fraîche, d’orange mûre, de sable et d’algues ont des finesses, dues à l’instinct de l’artiste et au miracle du feu, que des coloristes désespéreront toujours d’atteindre avec de l’huile et des ocres séchées.

C’est ce qui a conduit, sans doute, M. Pierre Hoche, qui expose dans cette même vitrine, à choisir la pâte de verre colorée comme matière de sa plaquette Pasiphaé : morceau de sculpture d’un relief à peine sensible, peinture d’une couleur à peine chantante, délicieuse vision dont on ne peut dire si elle est à peine naissante ou à demi-effacée, bibelot qu’on dirait extrait d’un tiroir du XVIIIe siècle, et qui sort, en réalité, d’un des fours que M. Dammouse allume parfois dans son jardin de Sèvres, pour la terreur des gens qui passent la nuit devant sa porte et la joie future des amateurs de tous les pays.

Le sentiment des lignes simples, de la belle matière homogène et des tons profonds triomphe également dans toutes les œuvres