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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/760

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ambigus. C’est seulement dans le cas où cette candidature prendrait de la consistance, de l’autre côté des Pyrénées, que nous devrions nous préoccuper des intentions réelles de la cour de Prusse. J’approuve donc votre réserve, en traitant ce sujet avec M. de Bismarck, tout en vous invitant à rester attentif à tout ce qui pourrait nous éclairer, sur la conclusion que nous devrons tirer de son langage[1]. »

Certainement il était superflu d’instruire Bismarck des conséquences d’une candidature Hohenzollern… Au lieu d’être un des plus grands hommes d’État de son siècle, il en eût été un des plus écervelés ou mieux un des plus niais, s’il n’avait pas vu la perspective menaçante qui, du premier coup, saisit l’esprit du prince Antoine, et s’il avait pu supposer qu’en aucun temps, et surtout après les événemens de 1866, la France supporterait l’intronisation, derrière l’une de ses portes méridionales, d’un prince et d’un colonel prussien. La démarche de Benedetti ne lui apprenait donc pas ce dont il n’avait pas besoin d’être instruit. Elle l’avertissait d’une manière discrète que nous étions attentifs et l’invitait à ne pas nous placer à l’improviste devant un fait qu’il nous serait absolument impossible de tolérer[2].


XII

Eût-il été utile, eût-il été prudent de causer de cette éventualité avec les Espagnols et de leur communiquer, à titre d’informations, confidentiellement, les instructions de Napoléon III, infiniment plus nettes que celles de son ministre ? Je ne le pense pas. Prim savait, aussi bien que Bismarck, l’impossibilité absolue pour un gouvernement français quelconque d’accepter l’intronisation en Espagne d’un prince prussien. Cet avertissement ne l’eût pas

  1. De Paris 19 mai 1869. Dans son livre Ma mission en Prusse, Benedetti, je ne sais pourquoi, n’a pas reproduit la première partie de cette dépêche.
  2. « Quelque imparfaitement que le comte Benedetti ait rempli son devoir, le comte de Bismarck ne pouvait guère ignorer que l’adoption de la candidature Hohenzollern aurait profondément irrité la France. » ("WALPOLE, History of twenty-five years, p. 484, t. Ier.)