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détourné de sa machination et il lui aurait fourni le prétexte d’exciter les susceptibilités espagnoles, toujours prêtes à s’enflammer contre nous, en nous accusant de sortir de l’abstention que nous affirmions en toute circonstance être notre règle de conduite. D’ailleurs à ce moment, nul ne pouvait le soupçonner d’ourdir quoi que soit d’hostile à la France. Un de ses premiers actes avait été de se réconcilier avec notre ambassadeur et d’exprimer le désir de reprendre avec l’Empereur ses bonnes relations d’autrefois. La Valette, qui lui avait toujours été un ami serviable et avec qui il affectait la plus grande confiance, eut considéré comme un mauvais procédé de témoigner une suspicion que rien n’autorisait.

Enfin l’Empereur avait une raison intime de croire cette précaution superflue : il comblait la famille Hohenzollern de tant de témoignages d’affection qu’en homme de cœur, jugeant les autres par lui-même, il ne pouvait pas concevoir le soupçon qu’un membre de cette famille aurait l’indignité de s’associer à une trame contre ses intérêts et ceux de son pays. La crainte d’être inutilement blessans, qui nous avait rendus trop circonspects à Berlin, nous rendit donc muets à Madrid.

La quiétude de La Valette fut encore accrue par une démarche significative de l’ambassadeur prussien à Madrid, Kanitz. Un de ces médiocres sans consistance et sans autorité, qui bourdonnent autour des grandes affaires pour se donner l’air d’y prendre part, Salazar y Mazaredo, du parti unioniste, avait signalé, dans une brochure consacrée à la candidature portugaise, le prince de Hohenzollern comme un autre excellent candidat. Aucune adhésion n’avait répondu à cette insinuation, mais on s’en entretint un moment dans les cercles diplomatiques. Kanitz rassura spontanément Mercier, qui, du reste, ne s’était pas ému : « Vous n’aurez pas vu sans étonnement que les journaux ont parlé dernièrement du prince de Hohenzollern. Il va sans dire que, de Berlin, on ne m’a jamais fait la plus petite allusion à cette candidature. Mais, dans ma correspondance, j’ai dû faire mention de ce que l’on en disait et, en même temps, émettre mon opinion sur les obstacles que, le cas échéant, l’état des choses en Espagne y opposerait. Ici, lorsqu’on m’en a parlé, je n’ai pas manqué, non plus, de donner à entendre qu’il était bien peu probable que le prince pût consentir à abandonner la magnifique position qu’il a pour