manquait. En avril 1902, le ministre de l’intérieur Sipiaguine était tué par Balmachef, fils d’un exilé politique. C’était folie et absurdité de s’en prendre au malheureux Sipiaguine lorsqu’il voulait donner aux Zemstvos des mouvemens plus libres. Sa démission prochaine était connue, dit-on, du meurtrier et de ses complices ; ils frappaient impitoyablement en lui le représentant du régime. Avec Balmachef, qui n’avait fait qu’exécuter la sentence du parti socialiste révolutionnaire, recommence l’épidémie de meurtres systématiques dont on ne peut prévoir la fin.
Le successeur de Sipiaguine, Plehve, mesurait le danger ; il était résolu à y parer. Une grande révolte paysanne avait éclaté en 1902 dans les gouvernemens de Kharkof et de Poltava ; il envoyait quarante-trois mille agens surveiller les villages. Les étudians étaient soumis à une pénalité draconnienne, on brisait la carrière des rebelles en les versant dans l’armée, transformée en pénitencier. Le nombre des accusés politiques s’élevait de 919 en 1894, à 5.590 en 1903. Cependant Plehve comprenait qu’on ne pouvait régner uniquement par la force, revenir au despotisme pur et simple de Nicolas Ier. Il se rapprochait de la méthode de Napoléon III, de Bismarck : gouverner avec autorité et empêcher que le combat pour les intérêts matériels ne devienne une lutte pour les intérêts politiques : en conséquence, donner satisfaction aux classes paysannes et ouvrières, afin de les détacher des classes libérales et des partis révolutionnaires. C’est dans ce même but qu’avaient été fondées les banques rurales, qu’avait été ébauchée, dès 1880, la législation de fabrique. Avant Plehve on avait eu l’idée de combattre le socialisme ouvrier par le socialisme d’État ; en 1898-1899, le chef de police Zoubatof et l’ancien terroriste Tikhomirof, avaient organisé à Moscou des cercles ouvriers, des mutualités en contrefaçon des syndicats non autorisés. Un docteur Chaïevitch, fondait de même des sociétés d’ouvriers juifs indépendans pour combattre l’action du Bound. Tous ces jaunes étaient violemment attaqués dans l’Iskra de Genève. Zoubatof commit la faute de se servir des employés des cercles ouvriers