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Une question délicate est celle de la juridiction à laquelle sont soumis les israélites indigènes : ceux-ci sont très nombreux en Tunisie, relativement plus nombreux qu’en Algérie ; on en compte une soixantaine de mille, dont 30 000 à Tunis. La génération nouvelle s’européanise rapidement par la langue, le costume, les études, les professions : ils forment une très grosse part de la population du lycée de Tunis ; ils remplissent les offices des administrations des banques ; ils se font avocats et médecins. Or, ils restent assujettis à la juridiction des tribunaux musulmans ; ils protestent qu’ils ne trouvent dans ces tribunaux aucune garantie de justice ; ils demandent à être justiciables des tribunaux français : ce serait, comme le déclare le récent rapporteur, à la Chambre, du budget des protectorats, M. Chaumet, une révolution qui ébranlerait toute la société indigène. On cherche, sans aller jusqu’à ce bouleversement, à donner des garanties aux israélites tunisiens, notamment en adjoignant aux tribunaux musulmans un ministère public ou un conseiller européen. Il ne peut être question d’appliquer en Tunisie le décret Crémieux et de naturaliser d’office les israélites indigènes. Jusqu’ici, l’on se refusait à en naturaliser aucun, ce qui était une exclusion excessive.

La situation respective des étrangers européens et des Français est le troisième problème épineux de l’administration tunisienne. Au lieu d’un millier de Français avant l’occupation, on doit en compter aujourd’hui dans la Régence 33 à 34 000 ; ils étaient 27 000 lors du recensement de 1901. Fonctionnaires, membres des professions libérales, industriels, commerçans, colons, grands, moyens, petits ouvriers, on trouve parmi eux toutes les catégories sociales. A côté de ces 33 à 34 000 Français, il doit se rencontrer environ 130 000 résidens étrangers, dont une centaine de mille italiens. On n’a jamais fait le recensement de cet élément étranger. Un ancien professeur au lycée de l’unis, aujourd’hui directeur du collège indigène Alooui, M. Gaston Lotz, dans un livre fort étudié, s’est livré à d’intéressantes recherches à ce sujet, sans arriver à des résultats tout à fait précis. En plus de cette centaine de mille Italiens, il se trouve dans la Régence une douzaine de mille de Maltais, clément plutôt en décroissance, et 8 à 10 000 habitans de nationalités européennes diverses. Qu’il y ait, non seulement de l’émulation, mais quelque jalousie, sans animosité générale toutefois entre l’Italien, ouvrier à bas salaire, et le Français, ouvrier à