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président de la djemmaïa, le peu d’encouragement que rencontre la main-d’œuvre locale dans les travaux publics et privés, l’aliénation de la terre et d’autres causes encore plongent une grande partie de nos compatriotes dans une profonde misère... Enseignement professionnel, commercial et agricole, largement donné aux indigènes, formation et protection efficace de la main-d’œuvre tunisienne, relèvement des industries locales par des mesures douanières et autres, enfin conservation de la propriété indigène, voilà, monsieur le résident général, à notre humble avis, autant de mesures propres à atténuer, sinon à conjurer, la crise économique, qui sévit actuellement dans la société musulmane[1]. » Qu’il y ait de l’exagération dans ces paroles, cela n’est pas contestable ; la crise dont souffrent actuellement nos protégés musulmans vient surtout d’une série de mauvaises récoltes. Autrement l’occupation et la colonisation française font des appels constans aux indigènes pour les travaux de chemins de fer, des ports, des routes, des mines, des constructions urbaines et des exploitations rurales ; il y a là des sources bienfaisantes de travail et de rémunération pour nos protégés. On s’occupe aussi de relever et de développer leurs industries locales, de ressusciter leur marine. Le vœu, toutefois, en faveur du maintien de la propriété indigène, tient la première place dans le cœur des musulmans, et il mérite d’être satisfait. Les transactions libres portant sur les domaines princiers, sur ceux des grandes compagnies financières, l’achat ou le morcellement de vastes domaines européens de la première heure peuvent fournir aux petits ou aux moyens colons français, sans qu’il soit nécessaire de bouleverser le régime des habous publics ou privés, les terres dont ils peuvent avoir besoin.

Une réforme fiscale serait conseillée à la fois par l’humanité et la politique : c’est la transformation de la medjba, impôt de capitation effroyablement onéreux qui pèse sur tous les indigènes musulmans mâles et adultes, et leur prend 24 francs par tête et par an : tout au moins faudrait-il les classer en trois catégories, suivant leur degré d’aisance, auxquelles on demanderait respectivement 6, 12 et 24 francs : ce serait une brèche de 1 million et demi à 2 millions dans le budget ; mais on ne pourra reculer longtemps devant cette mesure équitable.

  1. Voyez la Tunisie française du 25 mars 1906.