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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/872

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houppes de la crinière des chevaux, les barbes de l’empenne des flèches qui garnissent le carquois de Rama. Vainqueur, celui-ci est adoré par Anouman et sa légion de singes verts, a face rouge, revêtus de tuniques dorées, ou simplement munis de petits caleçons blancs ; ce sont Çiva et Parvati représentés avec la face noire, Soubramanyé entre ses deux femmes, Déivané la verte, Véliammin, la blanche, qui ne se fatiguent point de le fixer avec amour tout en humant les parfums de la fleur du lotus. Le brillant tout à la fois chaud et éteint des vieux ors qui chargent les fonds, ou s’épanouissent en fleurons, en gerbes sur les surfaces de cendre bleue ou de sinople, sertit les surfaces jaune paille, turquoise, grenat, aigue-marine, violet d’améthyste, ainsi que les cloisons d’un émail. Les parties claires sont ombrées de rose, de lilas, de gris bleuâtre, de roux passé, par teintes plates, artistement graduées. L’impassibilité sereine de la face des Immortels, figée dans un sourire éternel, s’exagère par le mouvement furieux des cavalcades, la poussée des foules, symbolisant la vanité des agitations du monde qui viennent mourir au pied de l’autel des dieux.

Quelle différence avec les tableautins qu’on trouve aujourd’hui chez les mouchys du bazar. Avec Soupou, j’ai visité leurs boutiques, pénétré dans l’atelier des sculpteurs qui modèlent ces délicates figurines de terre dont certaines valent en grâce ingénue et fière les œuvres des choroplastes de Tanagra et Myrina. On a reproché amèrement à l’art indien son « grossier sensualisme. » Ce reproche me paraît revenir bien fréquemment sous la plume de la critique piétiste d’Outre-Manche. Je vous demanderai la permission d’en juger autrement. Les bayadères des deux meilleurs artistes de Pondichéry, Vaïtilingam et C. Apoupatar, sont d’ailleurs exécutées d’après les canons anciens des sculpteurs anglais. Il suffit de compter le nombre de têtes. Jamais l’art indien n’a donné de telles proportions en hauteur à ses créations originales.

Cossopaléom est un petit bourg voisin de Pondichéry. Son nom indique que ses habitans sont des potiers (Cossowers). Cossopaléom est bâti sur une loupe d’argile ; malgré la sécheresse du pays, on marche ici dans une boue rougeâtre. La matière première ne menace pas de faire défaut. Partout ce sont des amas de briques, des roues couchées sur le sol ; des tas de tessons, de vases manques, se dressent au voisinage des fours. Assis dans la cour de sa maison, au milieu de ses ouvriers, voici C. Apoupatar à l’œuvre. Il faut