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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/874

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chaleur étouffante exagère les acres parfums. Les particules d’or en feuilles voltigent au-dessus des figurines qui forment des bataillons épais où les Vierges chrétiennes, les Saint-Joseph, les Bons Pasteurs, coudoient les divinités brahmaniques, les radjahs, les princesses musulmanes, les bayadères et les brahmes enluminés, tout reluisans de vernis. Et la neige d’or voltige, s’abat dans les plats de terre où s’accumulent les fruits indigènes, bananes, mangues, ananas, modelés en argile, peints au naturel par ces artistes hindous continuateurs de notre vieux Palissy. C’est encore là une branche de commerce de C. Apoupatar. Il vend, paraît-il, dans le pays même, ces simulacres de dessert, avec beaucoup de succès ; avec plus de succès, même, que toutes ces petites figurines dont il fait défiler les types sous mes yeux. Toute l’Inde dravidienne y est fidèlement reproduite avec ses castes, ses catégories, ses métiers.

Voici le Kourouvicarin et sa femme, chasseurs d’oiseaux, coureurs de brousse, tenant chacun une pièce de menu gibier. Voici le Daubi, le blanchisseur, qui porte son linge sur le dos, en un gros paquet dont la bride lui ceint le front, et sa compagne qui a sa grosse pannelle de terre rouge sur la tête. Voici la femme du laboureur, du Retty, avec son chignon casqué d’or, à la mode ancienne. Le Pion, plein de son importance, ‘ est pris dans sa tunique serrée à la taille, et il fait montre du parapluie, insigne de condition supérieure. Le guerrier, le Tchatria, brandit son cimeterre de la main droite et oppose, de la gauche, sa rondelle de poing à un ennemi invisible. Le brahme, de couleur claire, chargé d’embonpoint, à demi-nu sous ses mousselines blanches, a son front dégarni au rasoir, timbré des lignes multicolores en l’honneur de ses dieux. Le musicien musulman, à longue barbe, de long vêtu, chaussé de babouches, a son luth dressé sous le bras. La chanteuse qu’il accompagne, est enveloppée dans ses voiles de crêpe peint. La diseuse de chansons lève un doigt comme qui détaille un monologue nuancé. Une bayadère, les poings sur ses hanches évasées, amble, les jarrets à demi-pliés, la retombée de ses pagnes élargie en queue de paon effleure la terre. Une autre danse mollement, et ses aplombs sont gardés dans le parfait équilibre, on croirait qu’elle va bondir et s’élancer de son socle. Tous les gestes sont naïfs, naturels, sincères ; tous les caractères observés. Les chairs, les cheveux, les tissus, les bijoux, sont peints au