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essai, un souci très sincère de l’étude personnelle des textes et la ferme volonté de prendre directement contact avec les sources mêmes de l’histoire. Mais l’histoire a d’autres sources que les textes ; ce sont les peintures, ce sont les pierres. A Rome surtout, c’est par des exhumations que se précise et se renouvelle la connaissance du passé ; et Mgr Rampolla, rentrant comme cardinal dans la Ville Éternelle, prit à ce travail toute la part que permettaient ses occupations ministérielles. Les rares promenades dont il s’accordait licence lorsqu’il était secrétaire d’État le conduisaient à la basilique de Sainte-Cécile : habile interrogateur de cette terre romaine qui suscite de nouveaux problèmes à mesure qu’elle résout les anciens, il retrouvait les diverses pièces de la maison de la sainte. Les découvertes des catacombes, aussi, passionnaient sa curiosité, pour laquelle le temps était malheureusement trop avare. Depuis que Jean-Baptiste de Rossi rendit aux catacombes un langage, ces souterrains chrétiens, où les humanistes du XVe siècle se réfugiaient pour fronder Dieu, rivalisent avec le ciel de Rome pour raconter Dieu : le cardinal aimait à prêter l’oreille, et à se reposer, sous terre, des bruits de la terre.

Ainsi se préparait-il à élever à Mélanie la Jeune le monument que nous avons sous les yeux : les multiples dissertations historiques et philologiques dont il a fait suivre le précieux manuscrit de l’Escurial rappellent les meilleures pages de Tillemont ; et pour la connaissance de l’Église et de la société chrétienne au Ve siècle, la publication du cardinal Rampolla prend place parmi les textes désormais indispensables,


I

Cette biographie nouvelle de Sainte Mélanie est un des plus jolis documens hagiographiques que nous possédions. Nulle trace, ici, de ces formations légendaires qui souvent mettent en conflit la critique et la piété ; l’auteur innomé, que le cardinal identifie avec un certain Gerontius, écrit à un évêque, peu après la mort de Mélanie, ses souvenirs personnels. Trente-quatre ans durant, de 405 à 439, il avait assisté à la vie de Mélanie ; il devait à la sainte sa propre vocation religieuse, il lui succédait dans la direction du monastère palestinien qu’elle avait fondé. C’est un témoin oculaire qui surgit devant nous et qui, sans apprêts, sans