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d’un seul homme, le roi, le droit de commander à des armées considérables, comme celles qui sont actuellement nécessaires à la sécurité de la nation. Il serait impossible d’établir en France une autre autorité que celle qui résulte « de la propriété et des lumières » la seule qui soutienne « l’analyse de la raison. » Il est nécessaire de faire l’essai loyal de la république, qui, seule, peut donner « un résultat certain sur la nature même de ce gouvernement. » Mais surtout, il ne faut pas que les royalistes abandonnent la république à elle-même, à l’ascendant des partis violens. La Convention est « naturellement révolutionnaire ; » c’est miracle que la commission, issue d’une telle assemblée, ait pu présenter, faire applaudir « des idées plus saines en gouvernement que celles qu’on avait adoptées dans la première assemblée de l’Univers, l’Assemblée Constituante. » Mais que les sages citoyens se hâtent, s’ils se mettaient à l’écart de la république, ils appelleraient « la Terreur plutôt que la royauté. » Et, dans une invocation émue, vraiment éloquente, Mme de Staël adressait à ses amis, les constitutionnels, ce suprême appel en faveur de la liberté : « Mais vous, à qui il est ordonné de penser, puisque vous professez l’amour de la liberté ; vous qui avez fait les premiers pas dans cette carrière, devenue trop fatale, s’il ne restait de vos efforts que des ruines et des massacres, en vain auriez-vous travaillé vous-mêmes à rétablir l’autorité royale. Ce sang versé seulement pour honorer le retour du despotisme, retomberait sur vos innocentes têtes. Pardonnez, si l’on vous le rappelle, vous dont les intentions étaient si différentes des horribles effets, dont vous avez été les premières victimes. Pardonnez, si l’on vous le rappelle, sans vous il n’aurait pas existé de révolution ; il faut que la liberté survive à cette terrible époque, pour que vous soyez, non pas heureux, trop de douleurs sont jetées dans votre vie, mais présentés à l’estime des nations, comme les premiers défenseurs humains et justes des principes qui seront alors observés[1]. »

Dans la deuxième partie de l’ouvrage, Mme de Staël s’adresse aux « républicains amis de l’ordre ; » elle leur montre la nécessité de s’attacher les hommes de 1789, les constitutionnels. Comme les républicains, les constitutionnels soutiennent la division du corps législatif, l’indépendance de l’exécutif, la condition de

  1. Œuv. compl., tome II, p. 137.