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A cinq milles de là, sur la Voie Appienne, Mélanie possédait un magnifique domaine, qui, sous Commode, avait été confisqué aux deux Quintilius, coupables sans doute de professer le christianisme, et que le fisc, au temps de Constantin, avait restitué à un Valerius, leur héritier lointain. Les ruines de cette villa rurale ont également occupé les archéologues : le musée du Vatican possède un certain nombre de marbres et de sculptures provenant de ces parages et qui durent, jadis, charmer les villégiatures de la jeune Mélanie. On estime à deux milles environ le périmètre de ce domaine, et c’est là, suivant toute vraisemblance, que Mélanie et Pinianus, dès le lendemain de leur profession d’austérité, ouvrirent asile à d’innombrables pèlerins.

Gerontius nous entretient d’une autre villa, beaucoup plus lointaine, dont il décrit avec complaisance les enchantemens : la situation en était exquise ; la mer et les forêts l’encadraient ; de ses fenêtres, Mélanie voyait passer lentement la majesté des navires et bondir, sous la poursuite des chasseurs, la course éperdue des cerfs. En aucun temps peut-être, les splendeurs de la nature ne furent plus ingénieusement exploitées, plus asservies aux suggestions du luxe qu’au temps de la décadence romaine : l’architecte créait les paysages plutôt encore qu’il ne les cherchait, et composait les sites plutôt qu’il ne les adoptait. Dans cette seule villa maritime, Mélanie possédait quatre cents esclaves ruraux, soixante- deux maisons pour colons ; le revenu qu’elle en tirait eût satisfait la plus insatiable opulence. Le cardinal Rampolla suppose, — pour des motifs très plausibles, — que ce lieu de délices doit être cherché sur la côte de Sicile, en face de la Calabre.

Mélanie pouvait traverser la Méditerranée : de nouveau, elle se trouvait chez elle. Ses possessions africaines étaient considérables. Ammien Marcellin, dans son récit de la révolte de Firmus, nous laisse voir qu’en Afrique, les domaines formaient de véritables cités[1]. Derrière les murailles et les fossés qui leur donnaient un aspect de camps retranchés, ils abritaient, tout ensemble, des ateliers variés où l’on travaillait l’or, l’argent, le bronze, et des exploitations agricoles desservies par une population très dense. L’Église, parfois, instituait pour ces immenses propriétés une organisation distincte : le domaine que possédait Mélanie auprès

  1. Voir Lécrivain, le Sénat romain depuis Dioclétien, p. 117 et suivantes.