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lui en croyait, ou plus de présomption, et un soir, au retour de la chasse, presque sous les yeux de Catherine, il fut précipité de cheval, percé, criblé de coups de poignard. Alors la folie sanguinaire qui avait emporté la comtesse après l’assassinat de Girolamo, la rage rouge la reprit, plus rouge et plus sanguinaire dix fois. Ah ! cet homme, son Jacopo, par instans sans doute elle l’eût voulu mort, mais elle sentait trop qu’il était sa vie. Et l’on insinuait, les meurtriers alléguaient pour leur défense qu’ils avaient cru lui complaire en l’en défaisant. Pour un peu, ils auraient déclaré que c’était elle qui l’avait fait assassiner. Avec quelle âpre et amère énergie elle s’en défendait : allons ! est-ce que les Sforza n’assassinaient pas eux-mêmes ? et pour une seconde vengeance, auprès de laquelle l’autre fût douce, comme prix d’un second veuvage, elle entassait victimes sur victimes, par les mains expertes d’un Mongiardini, moins humain encore que Babone. Il n’est pas de tableau, si poussé qu’il soit à l’horreur, qui donne le frisson plus que ce simple extrait de la liste dressée par le curieux et indilièrent Cobelli :

D’abord ceux qui l’ont tué (Giacomo), qui sont morts :

Zan Antonio da Ghia (Gian-Antonio Ghetti) fut tué et pendu, et la tête sur la tour : 1
Don Domenico fut traîné et pendu, et la tête sur la tour : 1
Don Antoni da Valdenosa fut traîné et pendu, et la tête sur la tour : 1

Maintenant disons les enfans morts pour la cause de la mort de Messer Jacomo Feo. D’abord :

Deux petits enfans, l’un de quatre ans et l’autre d’un an : 2
Et une fille de l’âge de neuf ou dix ans, tous les trois enfans de don Antonio de Valdenosa ; sont morts : 1
Trois enfans de Bernardino da Ghia et la femme enceinte, tous morts : 5
Un petit enfant de Zan Antonio da Ghia, mort : 1
Deux petits enfans de Filippo de maître Jacomo da li Selli, morts : 2
Quatre enfans de Pierre de Brocco, deux garçons et une fille, et un mort : 4
Deux enfans de ceux de l’Urso, déjà pris au temps du comte Gerolimo, sont morts : 2


« Mort, mort, mort… » et que d’autres morts encore ! Cobelli en énumère, outre ceux-là, dix-neuf ou vingt, mis à la torture ; encore des enfans :