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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/230

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IV

Quand il eut visité la Grèce et l’Asie Mineure, l’empereur Adrien entra en Égypte par Péluse, où il fit élever un monument à la mémoire de Pompée. Après un séjour à Alexandrie, il se rendit à Memphis qui, déjà à cette époque, n’était plus qu’un monceau de ruines, puis, lentement remonta le cours du Nil, pour voir ce qui restait encore des constructions pharaoniques.

Dans ce voyage, il était accompagné de l’impératrice Sabine et d’Antinoüs, lequel se noya à un jour ou deux en aval de Latopolis.

Arrivé à Thèbes, vers le milieu de novembre[1], il examina, en connaisseur, les somptueux édifices de la cité d’Ammon et la statue sonore fut l’objet de plusieurs visites.

Parmi les personnes de distinction qui accompagnaient le couple impérial, se trouvait une poétesse dont les vers étaient, sans doute, fort appréciés d’Adrien et de Sabine. Descendant d’un roi de la Comagène, très fière de son origine, fort instruite et quelque peu vaniteuse, cette dame se nommait Julia Balbilla. Chaque fois que l’occasion s’en présentait, elle ne manquait jamais de faire parade de son talent poétique. Etant de la suite de l’empereur, lors de la première visite que celui-ci fit à Memnon, dès que la voix divine eut produit ses dernières modulations, Balbilla fit aligner les vers suivans :

« Vers de Julia Balbilla lorsque l’illustre Adrien entendit Memnon. — J’avais appris que l’Égyptien Memnon, échauffé par les rayons du soleil, faisait entendre une voix sortie de la pierre thébaine. Ayant aperçu Adrien le roi du monde, avant le lever du soleil, il le salua autant qu’il pouvait le faire. Mais, lorsque le Titan, poussant à travers les airs ses blancs coursiers, occupait la seconde mesure des heures marquée par l’ombre du cadran, Memnon rendit un son aigu comme celui d’un instrument de cuivre frappé et, plein de joie, il rendit pour la troisième fois un son. L’empereur Adrien salua Memnon autant de fois et Balbilla a écrit ces vers, composés par elle-même, qui montrent tout ce qu’elle a vu et distinctement entendu. Il a été évident pour tous que les dieux le chérissent. »

  1. L’an 130 de notre ère.