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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/248

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tous nos convives[1]s’en prendraient à moi, qui me suis chargé de vous avertir, et outre que je perdrais le plaisir de dîner avec vous, je ne suis pas sûr qu’on me permît de dîner du tout, tant ils seraient en colère. Je voudrais bien pouvoir revenir vous prendre, mais je suis forcé d’aller à Tivoli voir cette pauvre Mme Talma[2]qui est toujours bien mal ; et je voudrais y rester le plus de tems possible. Je serai donc chez Hochet à quatre heures trois quarts. Mille amitiés.


II


Genève, avril 1806.

Croyez-vous, mon cher Prosper, que je me résigne facilement à votre silence ? Non certes, et je viens m’en plaindre à vous. Notre amie[3]part aujourd’hui, et si vous ne m’écrivez pas directement, je n’aurai plus de vos nouvelles. Donnez-m’en donc, en adressant vos lettres à Genève, d’où on me les enverra partout où je serai. Si vous ne le faites pas, je croirai qu’il y a dans l’atmosphère où vous vivez quelque chose à quoi personne ne peut résister. Je continue mes travaux et je continue aussi à les communiquer à M. votre père[4]qui jusqu’à présent a la bonté

  1. MM. Piscatory et Charles de Villers étaient aussi de ce dîner.
  2. Louise-Julie Carreau, née en 1766, avait épousé, en 1791, l’acteur François-Joseph Talma. Leur divorce fut prononcé le 6 février 1801, et le 26 juin 1802, Talma se remariait à Mlle Charlotte Vanhove. Julie Talma fut un des plus vifs attachemens de Benjamin Constant. Elle mourut le 6 mars 1805.
  3. Mme de Staël partait pour la France où elle avait été autorisée à se rendre, mais Paris lui était interdit. Elle chercha à s’en rapprocher le plus possible en s’installant à Auxerre où tous ses amis s’empressèrent de se succéder auprès d’elle.
  4. Claude-Ignace de Barante, alors préfet du Léman, avait un goût littéraire très sûr et une véritable érudition. La Révolution, en le dépossédant de sa charge de magistrat, lui créa des loisirs employés, même pendant une incarcération de plusieurs mois, à composer divers ouvrages, et entre autres : une Introduction à l’étude des langues, un Examen du principe fondamental des maximes de La Rochefoucauld, de nombreux articles dans l’Historien (1796-1797), dans la Décade philosophique, 1799. Il fut un des collaborateurs de la Biographie universelle, publiée par les frères Michaud.