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À cette protestation ne s’était pas borné le témoignage de son royalisme. L’année suivante, le bruit s’étant répandu que le Roi serait libre si des gentilshommes français se rendaient prisonniers à sa place, il s’était offert en otage. « Je suis établi à Nice, écrivait-il dans une lettre rendue publique comme sa protestation, mais prêt à rentrer en France pour porter ma tête aux geôliers de mon Roi ou pour me rendre dans la prison que l’on voudra m’indiquer. »

Cette offre chevaleresque n’ayant pas été acceptée, le jeune Provençal s’était rendu à Coblentz. A peine arrivé, il en était reparti pour retourner à Nice en qualité d’aide de camp du duc de Durfort chargé d’organiser et de commander le rassemblement royaliste qui se formait dans cette ville. Mais l’échec de cette tentative le décidait bientôt à aller attendre en Italie une occasion plus propice de combattre pour la cause royale.

De 1793 à 1799, il séjourna tour à tour à Turin, à Venise, à Rome, à Florence. A Venise, l’émigration provençale était très nombreuse. D’Avaray y venait souvent de Vérone où Louis XVIII était alors installé. Cette circonstance lui permit de présenter au Roi le comte de Blacas. Le Roi ne ménagea au protégé de son ami ni les éloges pour le passé, ni les encouragemens pour l’avenir, et sans doute celui-ci obéissait aux sentimens qu’avait dû surexciter en lui un accueil si flatteur, lorsque, à la fin de 1799, las de son inaction, il allait s’engager dans le régiment des « Nobles à pied » faisant partie de l’armée de Condé, alors au service de la Russie. Il ne la quitta qu’à l’époque de son licenciement. Pendant l’année 1801, on le retrouve au service autrichien dans la légion Louis de Rohan d’abord, dans le régiment d’Auersperg ensuite. Il y resta durant cette année, et lorsque les événemens eurent mis fin à la période militante de l’émigration, il revint en Italie. A Florence, il retrouva le comte d’Avaray. Celui-ci y passait l’hiver et y reparut pendant celui de 1803. Tout naturellement, les anciennes relations s’étaient renouées. Une estime réciproque, un goût commun pour les arts, des rencontres fréquentes, le jour dans les musées, le soir dans les salons, leur donnaient promptement un caractère d’intimité et de confiance, qui n’était que le prologue de l’étroite amitié qui bientôt se créa entre eux. C’est alors que d’Avaray donna une preuve de la sienne à son compatriote en lui proposant d’entrer au service du Roi. L’offre fut acceptée avec reconnaissance.