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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/375

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LA LITTÉRATURE POPULAIRE DE L’EXTRÊME NORD.

bérie, détournant avec lui de ce côté les élémens gui, auparavant, se portaient, de gré ou de force, vers l’Extrême-Nord de l’Europe.

Un peu plus tard survint, après la mort d’Ivan le Terrible, la longue période d’anarchie appelé le Temps des Troubles, qui, pendant soixante ans, mit la Russie moscovite hors d’état de coloniser ou d’exploiter aucun territoire lointain, et détourna son attention dans des directions bien différentes de celle du Nord. Cette période ne prit fin, on le sait, qu’à l’avènement des Romanoff, à la suite duquel on ne songea plus à reprendre la route dont il s’agit. L’avenir de la Russie était au Sud, vers le Dnieper et la Crimée, où elle avait à combattre les Turcs et les Tartares, à l’Ouest, vers l’Europe, où elle avait à prendre place dans le concert des peuples occidentaux, et à l’Est, en Asie, où Pierre le Grand lui avait magistralement tracé la voie qu’elle devait suivre pendant deux siècles. En somme, cet avenir était partout, excepté du côté du Nord.

Du reste, il est juste de dire que la conquête des provinces baltiques et les victoires sur la Suède, en ouvrant à la Russie une porte directe sur l’Occident, lui firent à bon droit négliger Arkhangelsk comme voie de communication avec l’Europe. On cessa de se souvenir qu’auparavant Arkhangelsk était le seul port par lequel la Moscovie pouvait communiquer avec l’Angleterre, difficilement peut-être, mais sûrement et régulièrement.

Le pays fut presque oublié et la défaveur s’étendit sur lui. Les forêts recouvrirent les régions jadis exploitées par des mineurs nombreux lorsque l’on ne possédait pas l’Oural et la Sibérie, et la contrée redevint presque vierge. Il en fut ainsi jusqu’à l’époque très récente où, par l’initiative et l’énergique volonté d’un ministre persuadé que le chemin de fer est un outil créateur et que l’organe crée la fonction, la ligne de Moscou à Arkhangelsk, jugée utopique et inutile, sinon impossible, par bien des gens, fut ouverte, sur une longueur totale de 1 073 verstes (1 135 kilomètres), dans un temps étonnamment court, et au milieu d’extrêmes difficultés. Elle rendit la vie à ces contrées mortes[1].

  1. Peu de temps après cette première ligne, allant directement du Sud au Nord, une autre voie ferrée, partant de l’Oural, c’est-à-dire de Perm, où elle se raccorde avec le Transsibérien d’une part, et avec les réseaux de navigation de la Kama et de la Volga d’autre part, fut, dans un temps prodigieusement bref (en quelques mois) construite jusqu’à Kotlas, sur une longueur de 811 verstes (860 kilomètres), en passant par Viatka.
    Comme la précédente, cette ligne fut due à l’initiative personnelle et à la