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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/378

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par d’autres — ont longtemps subsisté, et subsistent encore, sous la forme légendaire, les traces d’une religion plus ancienne, moins dogmatique et plus instinctive, adorant confusément les diverses forces de la Nature, sans que leur unité lui soit bien démontrée.

Cette religion, ou plutôt cet ensemble de traditions, apparenté aux vieux mythes bretons que les Kymris ont portés avec eux vers l’Ouest, jusqu’à l’océan Atlantique, s’est traduit en Occident, dans le pays d’Armor, par le culte des fées[1].

Dans les pays de l’Extrême-Nord de l’Europe, granitiques comme la Bretagne, mais où la vie est plus dure, où les solitudes sont plus âpres, où les rigueurs de la nature ambiante sont plus brutales, la même idée s’est traduite par la croyance aux sorcières, aux Baba-Yagha, plus méchantes, plus fortes, plus grandes et moins mignonnes que les fées.

Celles-ci se sont réfugiées dans le peuple, pour ne se révéler qu’aux petits, aux humbles, aux ignorans, aux simples, voire même aux ivrognes, à ceux que l’on pourrait appeler les petits initiés, ou les petits croyans. Les Baba-Yagha, à la faveur de la foi populaire, ont survécu à Odin, à Freya, à Thor, à Balder, à la grande mythologie Scandinave, tuée par le Christianisme, de même que les fées, les elfes, les korrigans ont survécu, dans les landes bretonnes, à l’écroulement des dolmens et à la désaffectation des menhirs, que d’ailleurs la Croix a déclassés sans les renverser.

Le culte des grands dieux de l’Olympe Scandinave a été pratiqué par les Vikings, par ces guerriers gigantesques et querelleurs, et par ces rois de la mer qui menaient fièrement leurs barques à la conquête et au pillage du monde, du cap Nord en

    hasard, entre certains des bijoux ou des objets d’orfèvrerie que l’on découvre dans les sépultures des Vikings, ainsi qu’entre certains emblèmes qui y sont figurés, et les objets ou images similaires que nous livre maintenant en abondance l’antiquité persane. On peut donc penser qu’à une époque et par des voies dont l’Histoire ne nous a pas transmis l’indication, voies terrestres ou maritimes, il y a eu communication entre les peuples de la Scandinavie et ceux du plateau de l’Iran, l’un des principaux berceaux du culte solaire.

  1. Du reste, les fées bretonnes sont peut-être elles-mêmes d’origine scandinave ou même slave. C’est-à-dire que leur nom au moins a peut-être été inventé par l’ancienne couche de populations hellènes qui a peuplé une partie de la Scythie. Le θ grec se traduit phonétiquement, en russe, par un f : c’est ainsi que de Θεοδωρος, on a fait Féodor, de Θιμπθευς, Fimofée, etc. Et, par une coïncidence peut-être fortuite, le mot fée n’est autre chose que le mot grec θεα, déesse, prononcé à la manière russe.