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les faits et non les édits. Or il résulte des chiffres rassemblés par moi que : 44 pour 100 des instituteurs avaient sous l’ancien régime un traitement inférieur à 200 francs ; 36 pour 100 recevaient de 200 à 500 francs ; 12 pour 100 de 500 à 800 francs, et 8 pour 100 touchaient au-dessus de 800 francs. De ces privilégiés était le maître d’école du faubourg Saint-Antoine, à Paris, payé par l’Hôtel-Dieu 1600 francs par an en 1711.

Il est clair que l’instituteur doit cumuler divers métiers pour vivre : chantre généralement et sacristain, il est parfois geôlier, sergent et témoin attitré des actes notariés. Que faisait-il avant de prendre en main la férule ? Mille choses ; il est un peu de toutes les conditions : celui-ci est un ancien bénédictin, celui-là un ex-capitaine d’infanterie, cet autre est procureur postulant de plusieurs paroisses. La corporation est fort mêlée : « Le régent, disent les jurades de Mezin, en Guyenne, enseigne très bien le latin, l’écriture et l’arithmétique, et les élèves peuvent entrer, au sortir de sa classe, en première ou en seconde dans les bons collèges. » Maître Julien Mathieu, « écrivain et précepteur » à Malestroit, en Bretagne, fait représenter par ses propres écoliers l’Histoire de Judith, son œuvre ; c’est peut-être un lettré.

Pendant ce temps des consuls de Provence cherchent vainement un maître d’école « qui ait bon caractère, » c’est-à-dire qui écrive bien ; des habitans du Dauphiné se plaignent de leur instituteur « habituellement courant les vignes et les vergers à prendre les fruits, ce qui est un mauvais exemple. » Un autre maître est renvoyé parce « qu’il s’acquitte mal de sa charge et soulève des querelles dans la paroisse, » et l’on prie M. le curé de faire subir un examen aux deux compétiteurs qui se présentent pour le remplacer. En principe, il faut préférer un homme du pays : « Avez à prendre garde, écrit aux consuls de Rousset (Comtat-Venaissin) un candidat à la régence, à qui devez confier vos enfans ; non à ces racailles d’Auvergnats, Narbonnais et autres lieux lointains, mais à des personnes circonvoisines qui ont quelque chose au monde. »

Il semble bien en effet que les instituteurs auraient dû posséder des rentes de leur chef, puisqu’ils n’en tiraient guère de leur emploi ; même en joignant au traitement fixe le produit de la rétribution scolaire, à laquelle les enfans aisés sont astreints. Cette mensualité, le plus souvent versée dans la caisse communale et quelquefois perçue par le magister à titre de supplément