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reprise de la vie, vers le coucher du soleil, se passent pour moi dans la solitude. J’en profite pour me livrer en paix à mes minutieux travaux de laboratoire. Je trie, je prépare les animaux que j’ai pu me procurer au cours de mes excursions du matin. Puis, quand l’ombre a gagné un coin de la cour, j’y transporte mon fauteuil, et j’observe, en fumant tranquillement ma pipe, les êtres qui circulent sur le mur qui borde mon horizon.

De ce mur décrépit le chaperon, formé de tuiles disjointes, se couronne d’une jungle en miniature où des graminées dressent leur chaumes flétris entre des plantes plus humbles, veloutées, mousseuses, dont la plupart ressemblent à des éponges sèches. C’est là que le petit écureuil isabelle, strié de noir (Eoxerus palmarum Linn.), règne despotiquement en poussant des cris stridens. On le nomme vulgairement rat palmiste ; car, non content d’infester les villes, il pullule dans les cocotiers dont il détruit les fruits. Il fait bon le voir galoper sur la crête des pierres, grimper le long des parois les plus lisses, glisser le long des corniches où il se querelle avec les moineaux et les corneilles. Il poursuit ses semblables, gronde, glapit, jure, saute ! cabriole ainsi qu’un démon familier jusque dans ma chambre. Sa queue fourrée l’ombrage à la façon d’un parasol pendant la chaleur du jour, il la relève jusqu’au voisinage de sa tête. Quand le soleil ne donne plus, cette queue qui traîne derrière son propriétaire, devient pour ses congénères un précieux objet de divertissement, mais aussi un sujet de luttes sauvages. Les rats palmistes passent le plus clair de leur temps à se persécuter, à se mordiller, à se happer la queue à la course. Leur plus grande préoccupation est de garder le haut de la crête du mur après en avoir précipité leurs rivaux. Le vainqueur file alors rapidement parmi les végétations parasites et pousse des glapissemens qui s’entendent à plus de cent mètres, bien qu’ils sortent d’un rongeur exigu qui égale à peine un rat noir pour la taille.

Mais notre écureuil voit parfois se dresser devant lui un autre amateur de murs, qui soufflant, sifflant, déployant sa crête, gonflant les plis de son cou, donne, en un mot, l’aspect le plus formidable à sa modeste nature. Celui-là est un agame, une sorte de lézard (Calotes versicolor Daud.) qui atteint 40 centimètres de long. Malgré sa longueur, le saurien se présente peu redoutable, d’autant qu’il est tout en queue. Brun jaunâtre, avec