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Corydia Petiveriana, qui imite sa livrée noire tachée de blanc, court vivement sur les écorces crevassées aux côtés du redoutable coléoptère. Orbiculaire et bombée, elle ressemble à une Anthie mutilée qui serait réduite à son seul arrière-train. Je n’ai pu saisir encore les rapports qui existent entre ces deux insectes qui se copient. Peut-être la Corydia vit-elle des résidus de l’Anthia ?

Les mœurs de tous ces animaux nocturnes sont mal connues, tant il est difficile de les observer fidèlement. J’en suis à me demander si les Anthies sont réellement aussi carnassières que semblent l’indiquer leurs formidables mandibules en lame de faux. Jamais je ne les ai pu surprendre en train de manger. De même pour ces beaux carabides si communs dans les allées du Parc colonial de Pondichéry aux premières heures du matin (Eudema angulatum), et dont la livrée noire est rehaussée de quatre vastes taches orangées. Je tiens ce congénère de nos panagées d’Europe pour très capable de dévorer, la nuit, divers mollusques gastropodes, hélices et vitrines, en introduisant sa tête dans leur coquille à l’instar des Isotarsus africains. Mais je ne l’ai jamais pris sur le fait. Même incertitude pour ces Pheropsophus jaunes bruns, qui abondent sous les feuilles sèches au pied des porchers et des manguiers, et dont j’ai recueilli là plus de six espèces. Si on les dérange sous leur abri, c’est une fuite d’arquebusiers. Chacun décharge son arme vivement. Les explosions se succèdent, aussi fortes que celles d’une capsule à fulminate. Que l’on saisisse les fuyards, l’on s’aperçoit que le liquide gazeux qu’ils détergent est corrosif, mordant comme l’acide nitrique, il brûle et jaunit les doigts.

Les deux jardins publics de Pondichéry sont pour le naturaliste, établi sur place, une précieuse ressource. Toujours il y trouvera des choses intéressantes, et longtemps il en découvrira de nouvelles. La grande erreur des voyageurs est de croire qu’il faut parcourir des lieues de pays pour se procurer du nouveau, et aussi de s’imaginer qu’on ne collige rien de remarquable autour des lieux habités. Pour mon compte, c’est toujours dans les suburbes que j’ai fait mes meilleures récoltes ; en plaine comme en montagne. Je ne parle naturellement pas de ces espèces propres aux grandes forêts élevées, cétoines, buprestes, lucanes et autres bêtes marchandes que les entomologistes trafiquans recueillent de préférence à toutes autres, pour couvrir leurs frais. A qui n’est point guidé par un semblable calcul, les