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y avoir recours qu’en cas d’absolue nécessité. Dans ce cas même, son premier devoir est de nommer une commission dont l’impartialité ne saurait être d’avance frappée de suspicion. Est-ce là ce qu’a fait la Chambre actuelle au sujet de l’élection de Montpellier ? Non, certes ! Elle a composé presque exclusivement la commission d’adversaires politiques de M. Pierre Leroy-Beaulieu. Ce n’est pas une commission d’enquête qui est appelée à opérer dans le département de l’Hérault, mais un Comité électoral qui vole au secours du candidat battu. Il n’y aurait qu’un moyen de couper court à ces scandales : ce serait d’enlever aux assemblées politiques la vérification des pouvoirs de leurs membres pour la confier à un tribunal indépendant. Personne n’y songe. Il faudrait pour cela une loi qui serait faite par les Chambres elles-mêmes. Or les Chambres ont bien fait des lois pour enlever la vérification de leurs pouvoirs aux conseils généraux, aux conseils municipaux, enfin à toutes les autres assemblées électives ; mais quand il s’est agi d’elles, elles ont très résolument et très âprement conservé les attributions dont on les voit faire un si bel usage. Comment dire plus clairement que, dans leur pensée, il s’agit là d’une affaire politique et non pas d’une question de justice ? La démonstration gagnerait, toutefois, à se produire de façon plus discrète et plus enveloppée.

La majorité a la force, elle la met partout. Elle l’a mise, par exemple, dans la composition des grandes commissions, y compris celle du budget qui a un caractère spécial. Les radicaux-socialistes y ont pris pour eux toute la place et en ont exclu les autres partis. Et pourtant si jamais la participation de la Chambre tout entière à l’étude du budget a été imposée par les circonstances, c’est aujourd’hui. Pour la première fois depuis longtemps, nous sommes condamnés à recourir à la fois à l’impôt et à l’emprunt pour mettre le budget en équilibre : encore est-il permis de dire qu’un équilibre en partie obtenu par l’emprunt, n’est pas un procédé absolument normal. Mais passons sur ce détail. Nous savons gré à M. le ministre des Finances d’avoir assuré l’amortissement en douze années de l’emprunt par lequel il couvre des dépenses militaires qui n’ont eu d’extraordinaire que l’obligation où on s’est trouvé de les improviser. Nous lui savons gré surtout d’avoir courageusement rompu avec les habitudes de dissimulation de ces dernières années, et d’avoir dit au pays la vérité, toute la vérité, sur une situation financière bien faite pour l’inquiéter. Cette situation était connue de tous ceux qui ont suivi d’un œil attentif le développement de nos dépenses sensiblement plus rapide que celui de