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les hommes valides de dix-sept à quarante-six ans, de seize à soixante, dans les grands périls. Ils savaient tous manier l’arme que la patrie leur confiait pour sa grandeur ou pour son salut, et acclamer des chefs que les exercices pratiques en commun, à défaut de ceux que la guerre avait formés ou imposés, désignaient à leur choix.

A l’exemple de Rome, la République de 1792 et celle de 1870 faisaient choisir leurs cadres par les nouvelles levées. Mais l’obligation d’une instruction militaire préalable, en réunissant, dès leur enfance, pour partager les travaux du Champ de Mars, les membres de chaque tribu, dictait naturellement des choix heureux, pour lesquels nos volontaires et nos mobiles n’avaient, au contraire, aucune base solide d’appréciation.

S’imagine-t-on combien eût changé le cours des événemens, à ces grandes époques de notre histoire, et comme nos destinées eussent été différentes, si les Français avaient reçu, comme les Romains, comme les Grecs, comme tous les peuples de l’antiquité soucieux de leur nationalité, la préparation militaire ? Il est permis d’affirmer que la première République aurait imposé une paix rapide ; que l’on n’eût pas vu les alliés traverser le Rhin en 1814, et que la troisième invasion nous eût été épargnée en 1870.

A la suite de la terrible épreuve de 1807 et des résultats constatés de 1813 à 1815, la Prusse empruntait aux Romains une partie de leurs institutions militaires :

1° La faculté d’appeler sous les drapeaux les hommes de dix-sept à cinquante ans ;

2° Le service obligatoire et personnel.

Les succès éclatans de l’organisation qui en a été la conséquence, en 1866 et en 1870, l’ont fait adopter par toutes les grandes puissances du continent européen.

L’état militaire se trouve, de ce fait, si profondément modifié qu’en lui appliquant les procédés antérieurs, on se voit aux prises avec les plus grandes difficultés.

L’ancienne armée, en effet, en raison de son recrutement restreint, tendait à retenir le soldat longtemps sous les drapeaux pour conserver l’effectif déterminé. Elle disposait ainsi d’un temps considérable pour la formation des hommes et des cadres.

Le service obligatoire, au contraire, réclame impérieusement la diminution de la durée du service, par suite des causes connues,