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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/644

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sont inévitables lorsqu’on écrit au moment même de l’arrivée des nouvelles. La loi invariable de la révolution française s’accomplit toujours : Les Français sont écrasés, mais la France est exaltée ; du reste, ils font leurs affaires chez eux sans que les étrangers puissent s’en mêler. Si le Napoléon doit être égorgé, il le sera par eux. »

A un avenir prochain que la suite des temps n’a pas désavoué, était réservé de démentir la sinistre prédiction de Joseph de Maistre. Dans Napoléon malheureux, il ne voyait à cette heure qu’un souverain détesté de ses sujets, destiné à périr sous leurs coups, si la mort ne le surprenait pas avant qu’il ne se retrouvât au milieu d’eux. Il ne comprenait pas que la gloire de l’Empereur, forte de ses revers comme de ses triomphes, était devenue un patrimoine national et que pour la presque-totalité des Français, pour ceux même qui maudissaient ses ambitions, il ne faisait plus qu’un avec la patrie dont son nom était le symbole. La campagne de France, les Cent-Jours, le retour des Cendres, et, trente ans après sa mort, l’avènement de son neveu allaient prouver la fidélité de la France au César dont les fautes ne pouvaient lui faire oublier les bienfaits, ni ce qu’il avait ajouté au trésor de nos gloires.

Au fur et à mesure que les désastres de l’armée française en Russie étaient mieux connus et apparaissaient dans toute leur tragique horreur, les cervelles, en Angleterre, se surexcitaient. Dans les défaites de Napoléon, les Anglais saluaient le prélude de sa fin. Ils la prédisaient avec enthousiasme pour une date prochaine, et quoique le Cabinet affectât au moins dans sa conduite officielle de n’être pas convaincu que les événemens qui se succédaient dussent avoir pour conséquence la restauration des Bourbons, officieusement, il n’en niait pas la possibilité. Dans des conversations confidentielles, il donnait à leur entourage, à eux-mêmes des conseils en vue de leur rentrée en France. C’est ainsi que lord Castlereagh se rendait un jour chez le comte d’Artois afin de prêcher la modération, la sagesse, et de dicter une déclaration propre à rassurer les Français sur les intentions du Roi. Celui-ci, averti de cette visite, écrivait : « Il n’y a que trois partis à prendre : rétablir les choses telles qu’elles étaient en 1787 ; accorder une liberté illimitée ou l’accorder avec des restrictions. Le premier est impossible ; le second n’est pas permis ; le troisième est dangereux parce qu’il l’est toujours de