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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/649

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impertinence. Je crois beaucoup à l’instinct royal (je dis ainsi, dites autrement si vous voulez). Aussi l’une des idées auxquelles je tiens le plus fortement, c’est qu’il faut bien, lorsqu’on y est appelé, avertir loyalement l’inclination des princes de prendre garde à elle, mais qu’il ne faut jamais lui faire la plus légère violence, quand même on le peut. »


II

Lorsque Blacas reçut cette réponse en date du 2 avril 1813, un souffle belliqueux passait sur la cour d’Hartwell. La modération relative qui semble avoir accompagné chez Louis XVIII le réveil de ses espérances, n’avait pu tenir longtemps contre la fièvre qui, peu à peu, contaminait tout le monde autour de lui. Il en subissait à son tour les effets. Dès le mois de février, nous le voyons ressaisi du besoin d’entrer sans délai en activité et du désir impérieux de tirer parti des dispositions des puissances dont les résultats de la campagne de 1812, si douloureux pour la nation française, avaient rendu inexorable l’inimitié contre Napoléon. N’attendant rien de l’Angleterre dont l’influence dans le concert européen semblait à cette heure s’effacer devant celle de l’empereur Alexandre ; se défiant toujours de « cette Autriche qui a épousé l’usurpateur pour restreindre l’usurpation, » c’est vers la Russie que, de nouveau, il tournait les yeux. Les armées moscovites avaient infligé à celles du « Corse, » si longtemps invaincu, de sanglantes et irréparables défaites. Alexandre, devenu l’arbitre de l’Europe, s’était déclaré l’irréconciliable ennemi de Napoléon et, s’il voulait rétablir les Bourbons, il le pouvait. Louis XVIII brûlait donc de nouveau de s’unir à lui et d’avoir une part du fruit de ses victoires.

Afin de l’intéresser à sa cause, il venait de lui dépêcher un émissaire, le comte Alexis de Noailles. Ce gentilhomme, jadis émigré puis rentré en France, où son frère cadet Alfred de Noailles, rallié à l’Empire, servait en qualité d’officier[1], était revenu en Angleterre pour se mettre aux ordres du Roi après avoir encouru la disgrâce de Napoléon en propageant la bulle d’excommunication lancée par Pie VII contre son persécuteur. Ayant, au cours de son émigration, résidé dans les pays du Nord,

  1. Il était aide de camp de Berthier pendant la campagne de Russie et fut tué au passage de la Bérézina.