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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/668

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Avant que Louis XVIII ne lût cette lettre, s’était répandue dans Londres la nouvelle que les alliés avaient franchi la frontière française. C’était vrai et, malgré la résistance héroïque qui a immortalisé la campagne de France, ils avançaient rapidement vers Paris. Il semblait donc que l’heure fût venue pour eux de tenir les promesses qu’ils avaient faites sous tant de formes diverses aux envoyés du Roi. Rien ne décelait cependant qu’ils eussent le dessein de les tenir. Leur mutisme augmentait l’impatience de Louis XVIII. Les avis qu’il recevait de France la portaient bientôt à son comble. Un jeune soldat anglais, fait prisonnier sur la frontière espagnole et qui était parvenu, grâce à la complicité des royalistes, à s’évader d’Agen où il était interné, avait été chargé par eux de supplier le Roi de leur envoyer un prince pour se mettre à leur tête. Tout le Midi, de Bordeaux à Pau, disaient-ils, était prêt à se soulever et n’attendait qu’un signal.

D’autre part, Wellington, en entrant dans le Béarn, y avait été reçu aux cris de : Vive les Bourbons ! Nous voulons le sang d’Henri IV ! Eclairé par cet accueil, il avait envoyé à Londres le duc de Guiche qui marchait avec ses troupes, pour conseiller au prétendant de faire partir pour Bordeaux Monsieur ou l’un de ses fils. Le Roi demandait alors au gouvernement anglais des passeports pour les princes. D’abord on les lui refusait. Ce n’est qu’après un long débat qu’il les obtenait sous des noms supposés. Quand Bouillé rentrait à Londres, les princes venaient de partir avec les gentilshommes de leur maison, le Comte d’Artois pour le quartier général des souverains sous le nom de comte de Ponthieu, le Duc d’Angoulême pour Bordeaux, sous le nom de comte de Pradel, et le Duc de Berry pour Jersey et la Normandie sous le nom de comte de Vierzon. Un courrier avait été expédié au Duc d’Orléans, à Palerme, pour l’inviter à se rendre en Provence.

Pour compléter ces grandes mesures, le Roi, faisant appel de nouveau au dévouement de Bouillé, l’envoyait à Bernadotte à qui il demandait de prendre comme « généralissime » le commandement des troupes françaises qui se prononceraient pour la royauté. Il eût voulu le nommer connétable ou lieutenant général du royaume. Mais, la qualité de lieutenant général appartenait au Comte d’Artois, et celle de connétable n’était pas compatible « avec l’adoption qui place le Prince royal sur les