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marches du trône de Suède. » Au reste, le titre de « généralissime » lui assurerait l’autorité nécessaire « à l’exécution de ses nobles projets, sans annuler la marque de confiance que Sa Majesté donne depuis longtemps à un frère qui est à la fois son ami le plus tendre et son serviteur le plus dévoué[1]. » Enfin Bouillé était chargé de déclarer « au futur libérateur de la France » que le Roi, jaloux de s’acquitter un jour d’une dette sacrée, avait hâte de connaître à cet égard les désirs du prince royal pour lui et pour les Français qui « sous ses étendards contribueraient à la délivrance de leur patrie. »

Le Roi maintenant n’attendait plus que la possibilité de partir à son tour. « Ce ne sont plus les années que l’on compte avec la résignation du malheur, écrivait Blacas à De Maistre ; ce sont les instans que l’on calcule avec les impatiences de l’espoir. Oui, mon cher comte, adhuc quadraginta dies ! disons-nous maintenant avec une assurance presque prophétique. Et cependant les banquets de Ninive bravent encore à Châtillon le glaive exterminateur ! et cependant nous sommes condamnés à douter que les jours d’expiation soient consommés. Vous avez sans doute appris le départ de Monsieur. Il doit être aujourd’hui à portée de plaider la cause de son auguste Maison devant les rois et devant la France. Nous savons M. le Duc d’Angoulême arrivé à l’armée de lord Wellington. Nous attendons que M. le Duc de Berry puisse, de Jersey, où il est maintenant, se porter sur quelque point accessible du territoire français. Voilà, mon cher comte, tout ce qu’il a été permis d’entreprendre dans une situation où le ciel ne paraît vouloir nous laisser qu’une bien petite étendue de cette chaîne souple qui nous retient sans nous asservir comme a dit autrefois un homme que j’aime de tout mon cœur. »

Quoique Blacas apportât encore quelque timidité dans l’expression de ses espérances, il semblait bien, cette fois, qu’elles dussent se réaliser. Avant que la lettre sur laquelle il les confiait

  1. Le comte de Bouillé, qui vivait encore en 1852, racontait tenir du duc de Duras que celui-ci s’entretenant avec le Roi à la veille de son départ pour la France et se félicitant devant lui de voir la couronne bien rétablie dans la maison de Bourbon avait été fort surpris d’entendre cette réponse :
    — Bien rétablie, cela dépend.
    — L’intention du Roi serait-elle de ne pas accepter la couronne ? s’était-il écrié.
    — Je l’accepte, aurait repris Louis XVIII, et elle nous restera, si je survis à mon frère. Mais, si c’est lui qui me survit, je ne réponds de rien. (Renseignemens communiqués à l’auteur.)