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LE SUFFRAGE UNIVERSEL
ET
LES ÉLECTIONS DE 1906

Tous les quatre ans les quelques millions d’électeurs que compte la France, souverains en expectative pendant 1 461 jours, se réveillent investis, de par un décret, des droits impériaux : ils prennent corps pour une journée de huit heures du matin à six heures après midi. Des millions de rectangles de papier sont ainsi jetés dans quelque 50 000 boîtes, puis ce vaste corps inorganique qui s’appelle le suffrage universel ayant ainsi fait le geste très bref d’où découlent les destinées de la nation, languit, se désagrège et rentre dans son repos. « Collège électoral, » écrit-on officiellement en 1906 ; « peuple français assemblé dans ses comices, » disait-on en 1793 ; peu importent titres et formules, les faits ne se modifient guère : depuis le premier essai de suffrage semi-restreint de 1791 ou l’établissement du suffrage universel en 1848, on peut dire que le « corps électoral » est demeuré, d’élections en élections, aussi peu éduqué, aussi peu organisé, aussi amorphe ou incohérent, mais que, chaque fois, en revanche, il s’est montré soumis davantage à la tyrannie du nombre et à la férule gouvernementale.

Quels enseignemens nous apportent, à cet égard, les élections des 6 et 20 mai dernier ?