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Les voix battues, c’est-à-dire les voix émises, mais perdues pour la représentation nationale, en un mot les voix devenues inutiles, sont au nombre de 3 479 998 et les électeurs non représentés au nombre de 5 937 708, soit 53,2 pour 100 du corps électoral. Enfin les 3 558 200 voix obtenues par les 395 députés de la majorité atteignent péniblement 32,2 pour 100 des inscrits et 40,7 pour 100 des votans.


La loi est donc faite et appliquée par un groupe qui ne représente même pas le tiers des citoyens adultes de la métropole. La Chambre ne représente pas la majorité du pays ; la majorité élue ne représente pas la majorité des votans ; et cette majorité élue détient un nombre de sièges qui ne correspond pas au nombre de voix qu’elle a recueillies.

Si nous nous reportons, en effet, au premier tour de scrutin qui donne seul une base d’appréciation solide, nous constatons ainsi qu’il a été vu, que les candidats du Bloc ont groupe 57,7 pour 100 des suffrages valables. Si l’on imagine la France comme formant dans son ensemble une circonscription unique, suivant cette fiction légale que chaque député est 1/575e de la représentation nationale, le Bloc devrait, aux termes de la proportion sus-mentionnée, avoir obtenu 331 députés, les groupes d’opposition 225, et les flottans ou inclassables 19. Il serait ainsi assuré d’une majorité de gauche de 106 voix. Or les élus du Bloc sont au nombre de 395, et ceux de l’opposition de 180, ce qui représente une majorité de 215 voix. Cette majorité est donc, de par la loi électorale et l’organisation des circonscriptions, aujourd’hui grossie de 109 voix qui ne correspondent pas à la véritable majorité des suffrages émis par l’ensemble des votans.

La disproportion n’est pas moins choquante entre ce qu’on peut appeler la masse électorale des députés et leur capacité législative. Chaque circonscription a son représentant qui, dans la mécanique du Palais-Bourbon représente une unité, que cette circonscription contienne comme l’arrondissement de Sarlat 32 517 électeurs, dont le député est censé devenir le mandataire, ou 3 443 comme celui de Barcelonnette. Chaque député ne dispose également que d’une voix, qu’il ait été élu par 22 832 électeurs comme le marquis de Dion (Loire-Inférieure) ou par 1 735 comme M. Joly, des Basses-Alpes. Il en résulte que les