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renseignés, et frappant le même jour le même coup, avec la même sûreté et la même insistance.

Elle s’est présentée aux électeurs tantôt avec un programme de critique et tantôt avec un programme d’idées pures, mais non pas avec un programme commun de faits étudiés, de réformes mûries, de construction raisonnée, de solutions cherchées pour tous ces problèmes sociaux qui naissent chaque jour sous nos pas et qui passionnent, à juste titre, l’opinion devenue chaque jour plus éprise du fait. Ici, craintive, renfrognée, elle ne marche pas de l’avant ; là, elle s’essaye à la bascule ; avec d’autres enfin, elle s’emporte aux extrêmes, effrayant par son langage ceux qu’elle voudrait retenir ou conquérir. Et, sur les points où elle se croyait suivie, elle a été abandonnée, payant cher aujourd’hui l’erreur des inventaires et l’illusion si vaine, mais si tenace et si habilement exploitée contre elle, qu’il puisse se former dans ce pays de France un grand parti religieux aussi dangereux qu’inutile.

Mais si elle s’est ainsi diminuée par ses propres erreurs, elle l’est pratiquement davantage encore par la législation vicieuse dont, ainsi qu’on l’a vu, elle paye tous les frais qui retomberont sur elle jusqu’au jour où le seul correctif, non pas suffisant mais nécessaire, aura enfin, dans l’intérêt de tous, été apporté.


III

La France étant, de par sa constitution, un organisme qui ne possède pas de contrepoids ou de frein à l’expression de la volonté nationale, le problème à résoudre dans une démocratie, où le suffrage universel est un fait définitivement acquis, consiste pratiquement dans le suivant : le pouvoir législatif devant être, s’il veut se fonder sur une idée d’ordre, de vérité et de justice, la reproduction aussi fidèle que possible de l’opinion, comment organiser le scrutin de la manière la plus simple possible, sans recourir à des procédés factices ou à la création de circonscriptions artificielles, de telle sorte que chaque électeur conservant dans son vote le plus de liberté possible, puisse se dire représenté, et que le plus petit nombre possible de suffrages se trouve inutilisé ?