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ils l’avaient fait du dedans ; ils prétendaient s’en distinguer plutôt que s’en séparer ; ce n’était là, de leur part, qu’une formation tactique d’un ordre particulier. Leur espérance, au moins jusqu’ici, ne s’est pas réalisée. Les radicaux ont cessé de se rallier à eux, et cela dans deux occasions d’importance inégale, mais significatives l’une et l’autre : la première se rapporte à la réintégration des agens des postes congédies à la suite de la grève, la seconde aux questions budgétaires. L’une a mis en scène M. Barthou, l’autre M. Poincaré. Il s’agissait, en somme, de savoir si le gouvernement prendrait la direction de la majorité ou se laisserait conduire par elle : dans ce dernier cas, la majorité elle-même aurait été conduite par une minorité énergique et dolente. L’affaire des postiers n’a été qu’une escarmouche assez vive ; mais la question financière, — question du budget, question de l’impôt sur le revenu, — a été une vraie bataille, et la victoire a été brillamment remportée par M. Poincaré. Jamais il n’avait montré plus de talent, ni surtout plus de caractère : la Chambre en a été, en quelque sorte, saisie. Elle a donné au gouvernement, comme entrée de jeu, une majorité très forte : mais la lui maintiendra-t-elle ? Déjà les radicaux-socialistes avancés la lui disputent avec acharnement. M. Camille Pelletan s’y emploie de toutes ses forces, et, s’il a eu peu de succès devant la Chambre, il en a davantage dans la commission du budget, qui semble devoir devenir un instrument d’opposition. Nous en avons déjà fait la remarque : les faits, depuis, l’ont confirmée.

L’affaire des postiers est née de l’amnistie. M. Barthou a refusé de les y comprendre, ce qui aurait été d’ailleurs un non-sens, l’amnistie n’effaçant que des peines judiciaires et non pas des peines disciplinaires de l’ordre administratif. Mais c’est là une difficulté de forme : il était facile de la tourner au moyen d’une motion qui aurait enjoint au gouvernement de réintégrer en bloc tous les agens révoqués. Cette motion a été proposée : le gouvernement s’y est opposé, elle a été repoussée. M. Barthou n’a d’ailleurs combattu que pour le principe : sur les questions de fait, il a été fort conciliant, et, sans prendre aucun engagement ferme, il s’est montré disposé à procéder à des réintégrations individuelles qui épuiseraient la matière. Ne soyons pas trop exigeans : il ne fallait pas donner à l’affaire, en soi, une gravité qu’elle n’avait pas. Mais elle a permis au gouvernement et à l’opposition de mesurer leurs forces sur un terrain presque neutre, et le gouvernement l’a emporté très largement.

Avec l’impôt sur le revenu, le débat devait avoir plus d’importance