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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/718

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Cet impôt, comme le dit M. Poincaré, — et ii pourrait le dire aussi de celui des portes et fenêtres supprimé également, — est un commencement d’impôt global sur le revenu, et il y a lieu d’être surpris à quelques égards de la facilité avec laquelle les défenseurs de cet impôt en acceptent la disparition. Ils auraient dû, au contraire, s’accrocher à la mobilière et y établir le pivot de leur réforme. Mais soit ! M. Poincaré fait remarquer, avec raison, que l’impôt foncier, l’impôt sur les valeurs mobilières et l’impôt sur les patentes appartiennent au système cédulaire, et que l’impôt personnel-mobilier, appartenant au système global, se trouve faire pléonasme dans un système composite où il frappe par superposition des revenus déjà imposés. Désormais, plus de double emploi de ce genre. Chaque revenu sera taxé une fois pour toutes suivant la justice, et ne subira plus de surtaxe provenant d’un impôt général, même léger. Il profitera, au contraire, de détaxes suivant les situations de famille. Cela ne vaut-il pas mieux ?

Pourquoi la réforme de M. Poincaré ne s’en tient-elle pas là ? Il y a autre chose, malheureusement ; il y a la progression, et c’est un point sur lequel nous devons faire toutes réserves. « Pour que l’idée de justice reçoive entièrement satisfaction dans l’établissement du projet, il faut, j’en conviens, dit M. Poincaré, que ce projet remplisse trois conditions : la première, qu’il ne frappe pas d’un taux uniforme les revenus du capital et ceux du travail ; la seconde qu’il ne frappe pas non plus d’un même taux les petits et les gros revenus ; la troisième, qu’il tienne compte des charges de famille. » Sur le premier et sur le troisième point, nous sommes pleinement d’accord avec M. Poincaré ; mais comment l’être sur le deuxième ? Ce n’est rien moins que l’impôt progressif. On l’appelle aussi dégressif, ou différentiel.

M. Poincaré a eu le bon esprit de dire que tous ces mots avaient le même sens. S’il a une préférence pour le dernier, c’est probablement parce qu’on n’en a pas encore autant abusé que des autres. Nous sommes donc en face de la progression : « mais, dit M. Poincaré, il faut y mettre une limite en en excluant l’arbitraire. » Et voilà précisément ce qui est difficile ! Le jour où M. Poincaré nous aura montré comment on peut exclure l’arbitraire de la progression, il n’y aura plus de dissidence entre nous. Le fera-t-il jamais ? Nous l’en défions bien. Il mettra à sa progression, k lui, une limite qui, pour être prudente, n’en sera pas moins arbitraire. L’arbitraire ne commence pas toujours mal ; il n’exclut pas nécessairement la modération, ni la sagesse, ni la justice ; mais il ne les garantit pas, et s’il en donne