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M. Pelletan a des idées personnelles sur l’impôt foncier. Quelle conséquence faut-il tirer de l’attitude de combat résolument prise par la Commission contre le ministre ? C’est que la Commission ne tient aucun compte du vote de la Chambre et de l’approbation d’ensemble qu’il a donnée aux projets du gouvernement. La Commission en a d’autres ; Elle commence aies faire connaître, et la Chambre, qui a cru avoir choisi avant les vacances, devra choisir encore après. Qui aura le dernier mot ? Qui devra se soumettre ou se démettre ? Le gouvernement a annoncé très résolument qu’il ne se soumettrait pas.

Le courage lui a réussi jusqu’à ce jour : il n’a donc qu’à continuer. La Chambre n’est pas aussi engagée qu’on l’avait cru au premier abord dans les voies du radicalisme conduisant au socialisme. Le socialisme, quand elle l’aperçoit face à face, pur et sans mélange, opère sur elle comme un repoussoir. Combien doit-on remercier M. Jaurès d’avoir exposé tout de suite à cette Chambre, fraîchement issue du suffrage universel, les scrupules de conscience ou les embarras de casuistique qu’il éprouvait au sujet de la propriété individuelle : il ne savait pas si on devrait s’en emparer avec ou sans indemnité ! M. Poincaré a été couvert d’applaudissemens lorsqu’il a dit à propos des monopoles : « La question est moins douteuse pour moi : je considérerais l’expropriation sans indemnité comme un vol caractérisé. Nous ne rendons pas les financiers de la commission du budget solidaires des opinions de M. Jaurès sur la reprise sociale ; ce serait sans doute injuste ; mais enfin M. Jaurès d’un côté et le gouvernement de l’autre ont opéré dans la Chambre nouvelle comme deux pôles contraires d’attraction, et on a vu se dessiner d’une manière déjà distincte les groupemens de la majorité et de la minorité futures. La minorité entend reformer le bloc avec les socialistes : la majorité obéit à d’autres préoccupations. Il n’y a là quelque chose d’imprévu que pour ceux qui ne se sont pas suffisamment rendu compte des conditions particulières, c’est-à-dire provisoires, dans lesquelles l’ancien bloc s’est constitué et a pu longtemps se maintenir. La force de M. Combes, aussi bien que l’étroitesse de ses vues et la brutalité de ses procédés, est venue de ce qu’il a enfermé sa politique dans la question religieuse. Pour lui, il n’y a eu rien en deçà, ni surtout au delà. Sur cette question les socialistes et les radicaux ont été facilement d’accord. Leurs clientèles électorales, à quelques variétés sociales qu’elles appartinssent, étaient violemment anti-cléricales et même anti-religieuses. L’entente entre eux a donc été parfaite ; mais si on a cru qu’elle s’appliquerait à tout, et qu’une fois faite sur le terrain