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et l’imprévoyance dont nos finances ont souffert durant cette période trentenaire : « Malgré cette progression pour ainsi dire constante, écrit-il, les recettes normales sont, sauf de rares exceptions, restées continuellement au-dessous des dépenses. » Sur le graphique, la ligne des dépenses se tient presque constamment au-dessus de la ligne des recettes : la « ligne unique des dépenses groupées, dit M. Poincaré (page 11 de l’Exposé des motifs), est heureusement, mais exceptionnellement, dépassée par celle des recettes, en 1898, en 1903 et en 1904. Ce que nous savons du règlement de l’exercice 1905 nous laisse espérer qu’elle le sera aussi en 1905 et qu’il y aura lieu de rectifier sur ce point les indications du graphique. Mais à part ces quatre exercices, le déficit a été permanent comme il l’avait été, sauf des exceptions plus rares encore, sous tous les régimes précédens. »

Laissons de côté « les régimes précédens, » que M. Poincaré invoque comme circonstances atténuantes : on pourrait faire observer que la France étant beaucoup moins imposée et que, le développement de la richesse étant beaucoup plus accentué, la population s’accroissant aussi sous ces régimes, quelque imprévoyance ou quelques entraînemens de leur part étaient beaucoup moins coupables et moins funestes alors qu’ils ne le sont aujourd’hui. Puis, d’une façon plus générale, on pourrait objecter le refrain judicieux de l’opérette : « C’était pas la peine assurément, etc. »

Ainsi, d’après le ministre des Finances, sur les 36 budgets depuis 1871, il n’y en aurait que quatre, un sur neuf, qui se seraient soldés en équilibre réel ; encore doit-on dire qu’un examen plus attentif démontre, d’une manière irréfragable, que, pour deux de ces budgets tout au moins, ceux de 1904 et 1905, l’équilibre est fictif. On a vu, en effet, que, au printemps de 1905, lorsque éclata l’incident marocain, le gouvernement s’aperçut soudain qu’on avait négligé de maintenir aux quantités normales et nécessaires les approvisionnemens de la guerre et de la marine : vêtemens, chaussures, munitions, vivres : il fallut à la hâte obtenir, en dehors du Parlement, le vote clandestin par la Commission du. budget de la Chambre et la Commission des finances du Sénat des crédits supplémentaires de 193 millions, pour reconstituer les approvisionnemens militaires : on a donc le droit de dire que les budgets de 1903, 1904 et 1905 ne