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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/844

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se précipitent, se chamaillent, s’écrasent dans la poussière pour récolter les liards.

Ainsi je puis pénétrer dans la première enceinte. A droite et à gauche du gopura s’élèvent des modestes pagotins de pierre dédiés à diverses divinités. L’inévitable Pouléar est là, avec sa panse obèse, sa tête d’éléphant et son rat. Un petit édicule est affecté à la vierge Kanni dont les images sont adorées dans toutes les campagnes. Le menu peuple, les nomades tels que les Iroulaires, chasseurs d’abeilles, lui rendent particulièrement des honneurs. Son culte est négligé dans les villes. Kanni Gaparamésouari est une divinité de catégorie inférieure. C’était une fille Vaïssya, d’une merveilleuse beauté, qui habitait le Kaïlasa, ou Paradis de Çiva. Un roi, Gandarva, qui la vit, s’en éprit et la demanda en mariage à son père. Le Vaïssya repoussa le prétendant, parce que, pour roi qu’il fût, Gandarva appartenait à une caste assez basse. Gandarva se vengea de ce refus, sans noblesse. Usant de sa malédiction souveraine, il condamna la vierge Kanni à descendre sur terre sous les espèces d’une simple mortelle. Elle y descendit donc comme fille d’un Vaïssya nommé Consouma Chetty, et fut aussitôt distinguée et demandée en mariage par le roi du pays. L’aventure première se répéta, identique. Consouma Chetty s’opposa à l’union parce que le roi n’était pas de la même caste que lui. Le roi ne voulut rien entendre. Alors Consouma Chetty et tous ses parens s’entassèrent avec l’innocente Kanni sur un même bûcher, préférant la mort par le feu au déshonneur d’une telle mésalliance. Ils périrent jusqu’au dernier à l’exception de la belle Kanni qui se mit à danser, tout comme une salamandre, au milieu des flammes, et s’envola vers le ciel, laissant l’injurieux Gandarva avec le seul regret de sa vengeance inutile.

Ainsi mes amis les brahmes de Villenour me racontent la légende de Kanni, en me passant au cou des guirlandes blanches et roses. Ils consentent, à cause de l’importance du lieu, à desservir la pagode de Virapatnam. Et c’est là une exception à la règle qui veut que Mariammin ait pour offîcians des Poussaris de basse caste.

Cependant les pèlerins continuent d’affluer. Ils vont, viennent, apportant des ex-voto ou des offrandes propitiatoires : gâteaux, figurines de bois ou d’argile. Celles-ci attestent la guérison d’un enfant. L’entrée de l’enceinte, où les fidèles se baignent pêle-mêle