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partie de Madras jetait un nouveau secours d’hommes et de vivres dans Vellore.

Hyder dut se retirer. Il laissait derrière lui dix milles de plat pays en ruines : villages, arbres, maisons, tout avait été réduit en cendres. Les murailles de Vellore n’avaient point cédé. L’usurpateur mysorien ne survécut que peu à sa malheureuse entreprise. L’importance stratégique du point où échoua sa fortune alla toujours s’augmentant. C’est, en 1791, la place d’armes où le lord Cornwallis réunit son armée pour marcher sur Bengalore qu’il prit au commencement du printemps, tandis que Tippou-Saïb, trompé par une adroite manœuvre, attendait les troupes de la Compagnie des Indes au défilé d’Ambur. Bientôt refoulé dans ses Etats, puis dépouillé de ses meilleures possessions, le fils d’Hyder-Ali perd le pouvoir et la vie à Séringapatam quelques années après (1799). Et c’est aux murs de Vellore que l’Angleterre se confie pour garder la famille du dernier souverain de Mysore, c’est dans la citadelle qu’ils murent son harem tout entier. Rien ne semblait devoir porter ombrage à la domination anglaise dans l’Inde dravidienne, lorsque l’insurrection qui éclata en 1806 prouva que la paix britannique n’était pas définitivement maîtresse. On aurait convaincu quelques parens du défunt sultan d’avoir fomenté cette révolte. On les a accusés d’avoir agi sous l’instigation d’agens français. L’imputation ne me paraît point téméraire. La politique de Napoléon traquait l’Angleterre aussi bien en Occident qu’en Inde. Si l’Empereur avait renoncé, momentanément, à ses plans de 1798, après le mauvais succès de ses stipendiés ou alliés, Tippou-Saïb, le Nizam d’Hyderabad, le Scindiah de Gwalior, le Holkar d’Indore, il nourrissait toujours des plans d’invasion dans l’Inde du Nord, par le pays Afghan et la Perse. Il lui convenait en tous cas de créer, d’entretenir l’agitation sur les points les plus opposés de l’Inde britannique.

Le tumulte de Vellore se rattache sans doute à cette trame d’intrigues beaucoup plus qu’à un plan d’insurrection nationale. De tous temps, l’Inde s’est composée d’élémens trop disparates pour qu’une action générale y soit possible. Le morcellement de l’Italie, jusqu’à l’époque moderne, peut passer pour de la cohésion au prix de cette poussière de peuples groupés sous la formule géographique qui porte le nom d’Inde. On a cherché, vers le milieu du dernier siècle, à rattacher la fameuse révolte dite