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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/873

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de l’eau en assure la fermeture hermétique. Il ne s’agit pas là d’un conte des Mille et une Nuits, notez-le. Le secrétaire de l’officier d’état-major du district, mettant à profit la sécheresse extraordinaire de l’année 1877, où tous les puits tarirent, descendit dans celui-ci, trouva la porte qu’il réussit à ouvrir, et pénétra dans une vaste salle à colonnes. Là semble avoir pris fin l’exploration de l’aventureux secrétaire. Il prétendit avoir vu un passage qui devait, probablement, mener jusqu’à la rivière Palar, mais les choses en restèrent là. En vain je suppliai l’assistant collecteur de tenter avec moi une nouvelle descente dans ces sous-sols mystérieux où la légende veut que les trésors de Çiva soient déposés sous la garde des Esprits du mal : « Profitons, lui dis-je, de la sécheresse exceptionnelle de cette année 1901, supérieure, s’il en faut croire la rumeur publique, à celle de 1877 ! Allons, des échelles, des cordes, et des falots, et en route pour le mandapam souterrain, à nous les trésors de Çiva ! » Je ne pus rien obtenir. On ne pouvait entreprendre le plus petit sondage sans l’autorisation et le concours de l’ingénieur du district, Du moment qu’on devait procéder par voie administrative, je compris que l’affaire était enterrée. La bureaucratie anglaise peut, certes, rivaliser avec la nôtre : sa marche lente, lourde et sûre, est celle des éléphans attachés aux parcs d’artillerie, cette comparaison me paraissant la plus décente que je trouve sous ma plume.

En attendant des éclaircissemens plus amples sur les souterrains et les couloirs aujourd’hui veufs de leurs images d’orfèvrerie, je demeure convaincu qu’il y a là-dessous quelque histoire de pillage. L’expulsion des brahmes, la mainmise sur les divinités d’or et d’argent, constellées de gemmes, peut être raisonnablement attribuée aux musulmans de Golconde et de Vijapour, peut-être aussi aux Occidentaux qui leur succédèrent après les Mahrattes, et encore ces derniers, quoique hindouistes, ne se sont-ils jamais fait scrupule de dépouiller les pagodes... Je renonce, pour l’heure, à savoir quels furent les spoliateurs de Çiva. Ma consolation, en cette incertitude, est dans l’espoir que j’aurai une fortune meilleure à Genji. Là dorment aussi des trésors sous une pierre en façon de carapace de tortue où sont gravés le bélier d’Agni, l’arc et les cinq flèches de Rama, d’autres signes encore. J’ai repéré la place au mois de décembre 1880. Depuis plus de vingt ans, j’ai gardé mes notes,