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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/880

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Bruxellois aient l’impression qu’il y en eut, cette année, beaucoup, plus qu’en 1902. Mon impression, à moi est d’étonnement devant le petit nombre. Ce ne sont pas — oh ! non ! — nos orgies parisiennes d’avril, qui recouvraient la ville d’une couche de carton ! De la gare du Midi à la Grande-Place, je n’en ai aperçu que d’assez rares. Et comme elles sont, en général, d’un ton placide ! Que cette littérature, en son ensemble, est « bon enfant ! » Sans doute, dans l’énervement de la dernière heure, on verra bien apparaître sur les murs quelques « menteurs » et quelques « mensonges[1]. » On agitera bien le spectre de M. Vadécard, tout comme celui de M. Combes lui-même, et, derrière eux, le spectre rouge, le spectre ensanglanté de l’émeute, souvenir de 1902 : « Les Vadécards socialistes. » Le mot « casserole, » pris dans son acception toute moderne, politique ou policière, ne sera plus seulement français ; il deviendra belge : « A bas les casseroles socialistes et maçonniques ! »

Mais ce sont des coups portés par un parti à un parti, non par un homme à un autre homme. Rien qui ressemble à cette frénésie de diffamation et d’injures que le scrutin d’arrondissement déchaîne si follement chez nous. Même quand les personnalités se découvrent ou sont un peu plus rudement découvertes, on est loin de perdre en Belgique, au point où nous les perdons, toute retenue et toute mesure. Le pis qu’on dise de M. Janson dans l’affiche où on l’oppose à M. Picard et où on lui oppose M. Picard, c’est de l’appeler « ce Jean qui rit, Jean qui pleure de la révolution. » Que d’hommes d’Etat de la République s’abonneraient à ce traitement bénin ! Les dessinateurs ou les peintres, — car on fait la caricature murale en double colombier ainsi que la caricature postale sur carte de quelques centimètres, — les artistes qui traduisent en formes et figures visibles aux yeux du peuple souverain les rancunes, les désira, les espérances des partis ne se montrent pas plus féroces que les rédacteurs de pamphlets ou de placards. La pointe du crayon, autant que la pointe de la plume, s’est émoussée sur la table des vieilles tavernes flamandes, et ce que l’esprit parisien aurait de trop léger ou de trop vif s’appesantit peut-être, mais sûrement

  1. Affiches catholiques : La politique du cartel mise en chiffres. — Et la Dette publique ! — Cf. le pamphlet, également catholique : Dix réponses aux dix gros mensonges des blocards.