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le socialisme maintienne ses positions. Or, à Bruxelles même, le cinquième siège est contesté. Qui l’emportera ? Le parti ouvrier ou les indépendans ?

A la « Brasserie flamande, » chez les libéraux, ce n’est point une foule, mais une cohue de gens décorés du bleuet, délirans, hurlans. Il est extrêmement difficile d’approcher de la porte, impossible de la franchir. Une telle augmentation du nombre des voix libérales, — 30 000 voix gagnées par rapport aux élections du 25 mai 1902[1], — étonne tout le monde, et les plus étonnés encore sont peut-être les chefs du parti. Cette universelle surprise et le plaisir qu’on en éprouve se traduisent naturellement par de vigoureux : A bas la calotte ! Chants anticléricaux variés.


Dix heures, rue du Miroir. — On ne crie plus : « A bas la calotte ! » mais : « Vive la calotte ! » C’est un insoluble problème, que de savoir comment se faire jour jusqu’à l’estrade. Mon guide le résout à la manière de Jean Bart, à coups de coude. Nous voici là-haut. De minute en minute un renseignement arrive. Le président, un sénateur de Bruxelles, le communique aussitôt, en y ajoutant le chiffre correspondant de 1902, et en soulignant la différence, gain ou perte. L’organisation de ce service est parfaite. Secouée d’une vibration continue, l’assemblée conspue ou acclame. Successivement, quelques-uns des anciens et des nouveaux élus font une apparition, et l’on entend alors, sur l’air des Lampions : « Vive Renkin ! » ou, à l’adresse de M. Henri Carton de Wiart : « Un discours ! un discours ! » Second problème aussi insoluble que le premier : comment sortir ? A force de chercher une issue dérobée, par des escaliers détournés, nous en trouvons une. Un Père en a la clef, car je ne m’en doutais pas, mais nous étions chez les Pères. La parole de ce religieux est d’une énergie qui déroute toutes nos habitudes françaises. Elle m’emporte à trois siècles et à trois mille lieues de moi-même. Une pareille attitude, de la part du clergé, serait en France tout à la fois la dernière des imprudences et la dernière des maladresses ; mais enfin, si elle réussit en Belgique ! Si elle y

  1. Les catholiques eurent alors à Bruxelles 98 104 voix ; ils en ont, en 1906, 109 317. Les libéraux passent de 59 817 à 89 188 ; les socialistes, au contraire (et c’est là une indication dont il ne faut pas exagérer, mais non plus nier l’importance, ne gagnent que 300 voix : 57 434 en 1902, 57 722 en 1906.