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se disant « qu’il faut aller doucement et qu’on ne peut défaire en un jour l’œuvre de trois cents ans. » Il a pris pour maxime : quieta non movere, et il s’est résigné : « Cui bono ! ce sera la même chose dans cent ans d’ici ! »

C’est surtout en matière d’enseignement qu’on reproche aujourd’hui au clergé irlandais de n’avoir pas montré assez d’initiative et d’esprit de progrès. Directement ou indirectement, il tient presque toute l’instruction des catholiques, et la raison, c’est d’abord l’insuffisance de l’élément laïque instruit et capable, c’est aussi que pour se défendre contre les efforts faits de toutes parts par le prosélytisme officiel ou officieux, à l’école primaire ou dans les sociétés de propagande, le catholicisme a dû rejeter l’enseignement neutre et « confessionnaliser » l’instruction. « Nous vivrions en Espagne, » nous disait un ami d’Irlande, un laïque, « que nous serions libéraux, mais le libéralisme est ici un luxe que nous ne pouvons nous permettre, il coûte trop cher ! » N’empêche qu’en fait d’enseignement, le monopole n’est jamais une bonne chose, et de fait, il n’est guère contestable que l’instruction publique en Irlande ne soit restée assez faible et arriérée au moins jusqu’à ces dernières années. De là des attaques assez vives, et souvent fort exagérées, contre le clergé irlandais dans son rôle d’éducateur, dont la plus retentissante émana, il y a quatre ans, du commissaire permanent de l’Enseignement primaire, le docteur Starkie. On riposte d’autre part que la grande faute est à l’État qui, par les programmes et les examens, tenait la clef du système, imposait cependant un enseignement mal entendu, des méthodes arriérées et destructives de l’intelligence, enterrait tout son argent dans des établissemens mort-nés comme les écoles dites modèles et les Queens colleges de Cork et Galway. Aussi bien, n’est-il pas piquant de voir des protestans, et non des moindres, — par exemple l’évêque anglican de Killaloe en un discours synodal, — reconnaître la supériorité des écoles catholiques sur les écoles protestantes en Irlande ; de voir bon nombre de familles protestantes envoyer de préférence leurs enfans à ces écoles catholiques, et de trouver 10 pour 100 d’étudians protestans sur les rôles de l’University college de Dublin, lequel est tenu par les jésuites ?

Quoi qu’il en soit, le clergé irlandais aurait sans doute mieux réussi dans l’œuvre du développement intellectuel et social d’Erin, s’il avait lui-même été mieux préparé à la tâche. Le