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mettre en doute la parfaite sincérité de sir Henry Campbell Bannerman ! Il est le chef d’un parti dont les tendances humanitaires sont bien connues : ces tendances sont les siennes, et il s’y abandonne volontiers toutes les fois qu’il juge que son pays n’aura pas à en souffrir. Il pense que, même quand on cède à des obligations matérielles impérieuses, il est bon de prononcer certaines paroles, d’entretenir certaines espérances, de réchauffer dans les cœurs certains sentimens dont l’avenir, à défaut du présent, fera peut-être son profit. L’homme le plus réaliste a dans l’esprit un coin réservé au rêve, où il aime à revenir quelquefois : il en est de même des partis qui sont une collection d’hommes. Rien n’est plus conforme au caractère anglais, et aussi au caractère allemand où la raison pure et la raison pratique font si bon ménage ensemble. Notre esprit, à nous, a moins de compartimens et plus de simplicité : nous allons droit aux conclusions logiques, elles deviennent finalement maîtresses de toute notre pensée. C’est pourquoi le discours de sir Henry Campbell Bannerman était moins dangereux pour ses compatriotes que pour quelques autres de ses auditeurs. — Mais, dira-t-on, vous oubliez les projets de loi du gouvernement dont vous avez vous-même parlé plus haut. — Précisément : il faut se reporter à ces projets, et surtout à la discussion à laquelle ils ont donné lieu, pour bien comprendre la portée, c’est-à-dire les limites, des pensées généreuses que sir Henry a fait applaudir à la Conférence interparlementaire.

Les projets en question ont été, comme il arrive toujours, attaqués par l’opposition. Ils ont été défendus par le gouvernement et par sir Henry Campbell Bannerman lui-même : il y a eu là pour nos pacifistes un grand enseignement, s’ils l’ont compris. Le gouvernement s’est appliqué à rassurer l’opposition : quoi que celle-ci ne l’ait pas avoué, nous croyons bien qu’il y a réussi. La situation est telle aujourd’hui que, conformément à une règle passée à l’état de tradition en Angleterre, la flotte britannique peut faire face aux deux plus fortes flottes du continent, et encore, a déclaré lord Brassey dans une lettre qu’il a écrite au Times, et encore « il y a de la marge. » M. Robertson, secrétaire de l’Amirauté, a confirmé cette déclaration : il a ajouté que les deux principales flottes du continent appartiennent à deux pays entre lesquels une coalition paraît actuellement peu probable : en effet, ce sont la France et l’Allemagne. La sécurité de l’Angleterre est donc absolue en Europe. Quant à l’Extrême-Orient, si des complications venaient par hasard à s’y produire, la puissance navale de l’Angleterre, qui y est hors de pair avec celle de