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toutes les autres puissances européennes réunies, serait encore accrue de celle du Japon. L’Angleterre peut sonder tous les horizons, les plus prochains ou les plus lointains sans y découvrir aucun sujet de crainte : elle se sent à même de faire face à toutes les éventualités. Cela étant, n’est-il pas naturel qu’elle dise aux autres : — Si nous en restions là ? N’est-ce pas folie d’augmenter sans cesse nos armemens : ne finirons-nous pas par nous épuiser à ce jeu ? — Et tel est, en effet, le langage qu’a tenu sir Henry Campbell Bannerman aux pacifistes ravis : ils le sont à bon compte ! Mais on répète que le ministère anglais a proposé, dès maintenant, la diminution des crédits affectés aux constructions navales, et on nous dit qu’il faut que nous fermions obstinément les yeux à la lumière pour ne pas reconnaître ses bonnes intentions. Nous les reconnaissons fort bien, mais à la manière dont il les explique. Il y a souvent, et même presque annuellement, des diminutions de crédits sur les constructions navales en Angleterre. Il y en a eu, ou il y en aura cette année comme à l’ordinaire. Pourquoi ? Parce que le plan de construction a été fait pour maintenir la supériorité proportionnelle de l’Angleterre sur d’autres nations qui en avaient fait de leur côté, et que, à l’observation, l’Amirauté britannique a remarqué que les constructions des autres ne marchaient pas aussi vite qu’elle s’y était attendue. Elle en a conclu qu’elle pouvait sans inconvéniens ralentir les siennes. Enfin le gouvernement ne désespère pas de voir décider l’année prochaine, à La Haye, qu’on s’arrêtera dans la voie des armemens : les pacifistes sont si persuasifs ! Dans ce cas, il aurait tout avantage à faire l’économie de constructions inutiles. Voilà ce que M. Roberston et ce que sir Henry Campbell Bannerman ont exposé au parlement avec une grande lucidité. Est-ce tout ? Non : ils ont dit encore que si les autres puissances mettaient tout d’un coup à la rapidité de leurs constructions une accélération peu vraisemblable, mais possible, l’Angleterre disposait d’un outillage qui lui permettait de tenir le record de la vitesse et de dépasser facilement les plus favorisés à cet égard. Donc, elle n’avait rien à redouter, et elle pouvait, sans courir le moindre risque, faire quelques économies sur le plan primitif de ses constructions.

Le parlement a été convaincu : il a voté ces économies. On serait heureux de pouvoir en faire de pareilles ; on les voterait des deux mains ! Mais qui n’a entendu que le discours de sir Henry Campbell Bannerman à la Conférence înterparlementaire n’a eu que la moitié de sa pensée : pour l’avoir tout entière, il aurait fallu que nos pacifistes le suivissent à la Chambre des communes et qu’ils écoutassent